Je t’aime, je t’aime

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Au moment même où Alain Resnais est a l´honneur à la Cinémathèque, les Editions Montparnasse éditent le DVD Je t´aime Je t´aime, film pour lequel le cinéaste touche à tout s´intéresse à la science-fiction. Celle-ci n´en étant pas le sujet principal elle en est tout de même le support initial.

Pour Je t’aime je t’aime, il faut prendre son temps. Malheureusement à sa sortie, en avril-mai 68, le public n’avait pas ce temps nécessaire à lui consacrer. Etrangement accueilli en salle, le DVD de Je t’aime je t’aime est alors une belle façon de prendre le temps de découvrir cet homme.

Œuvre, il faut le dire, étonnante, surprenante par sa narration mais d’une certaine manière envoutante.

« Le temps du bureau contre le temps du dehors »

Claude Ridder (Claude Rich comme jamais), après une tentative de suicide, se trouve embarqué dans une aventure scientifique dont il est le premier cobaye humain. Cette expérience est celle dont tout Homme a rêvé un jour : voyager dans le temps. Grâce à une petite équipe de scientifiques, il se retrouve alors projeté en arrière, un an exactement auparavant, dans les bras de sa femme Catrine. Mais la machine ne semble pas complètement au point.

Film futuriste tourné vers le passé. Etrange ? Ici, l’aspect science-fiction permet de revenir en arrière, de retourner sur ses propres traces, de remonter le temps et de sentir le goût doux amer du passé.

Le film s’ouvre sur un grand flou. Qui est donc cet homme ? Qui sont ceux qui parlent en flamand ? Que cache cette expérience ? Le présent parait presque irréel en comparaison au passé, reliés entre eux uniquement par un gros rocher tout mou dans lequel le corps de Claude Ridder s’enfonce de plus en plus au fur et à mesure que son passé lui revient, par bribes.

Mais le retour en arrière est rempli de douleur, de souvenirs qui s’empilent, se chevauchent, s’emmêlent. Ils ne semblent plus suivre de logique, si ce n’est celle de l’esprit de Claude. Certains souvenirs refont surface plusieurs fois tandis que d’autres semblent teintés d’onirisme. Invention de son esprit ? Vécu ? On s’y perd et lui aussi.

Mais cette sensation de flottement est un vrai bonheur. Alain Resnais filme par saccades, imposant ses morceaux de souvenir à son personnage. Celui-ci perd peu à peu pied, ne sachant plus pourquoi ses souvenirs s’enchainent, ni dans quel ordre ils doivent se trouver. Son esprit voit défiler toute sorte d’images, son corps ressent de nombreuses sensations et il ne peut lutter. Souhaitant revenir dans le présent, son esprit repart dans les dédales du passé grâce à un procédé qui semble tout droit sorti du futur. Imbroglio temporel…

Alain Resnais réjouit (et semble se réjouir lui-même) par cette distorsion temporelle. Il s’en amuse, avec son personnage, mais parfois aussi à son insu. L’homme doit alors regarder son passé en face.

Titre original : Je t'aime, je t'aime

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Durée : 92 mn


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