Hara-Kiri

Article écrit par

Un bien piètre remake du classique de Masaki Kobayashi.

Les craintes étaient grandes à voir le touche à tout stakhanoviste et déjanté Takashi Miike s’attaquer à un monument tel que Hara-Kiri. Si elles sont confirmées, ce n’est étrangement pas forcément sur les aspects attendus. Il est assez injuste mais obligatoire pour qui connaît l’original de donner plusieurs fois dans la comparaison, constamment au désavantage de Miike. Le film de Masaki Kobayashi tenait une partie de sa force par l’écho contemporain de son intrigue. Le réalisateur y remettait en cause la gloire et la prospérité associée par les Japonais à l’ère Edo, et, en soulignant l’autoritarisme du Shogun à cette période, évoquait le régime totalitaire qui mena le pays à sa perte durant la Deuxième Guerre Mondiale. User d’un contexte historique lointain pour traiter d’errance plus proche était l’objectif de Kobayashi qui avait déjà abordé le sujet frontalement dans La Condition de L’Homme.

Miike, on ne peut l’en blâmer, ne bénéficie bien évidemment pas d’un cadre aussi fort. Une approche neuve du sujet (adapté du roman de Yatsushiro Takiguchi) aurait donc été bienvenue mais Miike, au lieu d’affirmer sa patte quitte à hérisser les amateurs du Kobayashi, ne fait que le singer lourdement. Le pesant générique d’ouverture sur l’armure du fief est ici repris avec une rare platitude là où la force de l’image faisait passer tout l’autoritarisme d’un univers qu’on s’apprêtait à découvrir. L’intrigue est bien sûr similaire : un vieux rônin se rend chez un seigneur afin d’effectuer un seppuku mais lorsqu’il raconte la terrible histoire qui l’a mené là on comprend que son objectif tient plus de la terrible vengeance. Miike ajoute quelques séquences intimistes et bénéficie d’une excellente interprétation mais le non connaisseur de l’original y verra un mélodrame bien trop appuyé et fort longuet. Pour les autres, le fossé se ressentira par une subtilité totalement disparue entre le film de 1962 et celui de 2011.

Le contexte historique sans doute moins parlant pour un spectateur contemporain (japonais ou non) donne dans un sur-explicatif lassant et il en va de même dans les moments dramatiques. Le seul visage fiévreux de Tatsuya Nakadai faisait toute une gamme d’expressions retenues lorsque Miike a recours à de long tunnels de dialogues ou de séquences lourdes de sens (l’interminable suicide de la fille face aux corps de son époux et de son fils mort) pour un bien moindre impact. Globalement une relecture assez ratée donc, manquant d’inspiration pour trouver sa propre voie et de talent  lorsqu’elle cherche à calquer son modèle.

Titre original : Ichimei

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Durée : 125 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Trois films de Pietro Germi sur fond de terre brûlée sicilienne

Trois films de Pietro Germi sur fond de terre brûlée sicilienne

Pietro Germi figure un peu comme un outsider ou, en tous les cas, le mal aimé du cinéma italien de l’âge d’or. Et les occasions de réhabiliter son cinéma enclin à la dénonciation sociale jugé parfois moralisant et édifiant mais toujours captivant et divertissant ne sont pas légion. Le distributeur Tamasa vient de pourvoir à cette injustice en sortant trois films invisibles en versions remasterisées.

Je suis un fugitif

Je suis un fugitif

Dans ce film glauque au pessimisme foncier, quasi ignoré et pourtant précurseur, Alberto Cavalcanti exhibe un monde sans héros; uniquement peuplé de manipulateurs veules et sournois, de malfrats sans foi ni loi, de femmes fatales, de harpies, de mégères ou d’épaves à la dérive. Ce film noir s’inscrit dans la lignée des nombreux films spiv britanniques, un sous-genre qui fit florès dans l’immédiat après-guerre. Redécouverte…

Déserts

Déserts

Au Maroc, lorsque que vous ne remboursez pas vos dettes, vous risquez de voir débarquer deux agents de recouvrements en costume criard, bon marché mais toujours impeccable. Mehdi et Hamid, entre menace et arrangement, arrachent ainsi aux pauvres ce qu’ils ne peuvent cacher, travaillant à rendre le désert encore plus désert, jusqu’à se trouver eux-mêmes coincé par une histoire de vengeance qui n’est pas sans rappeler un scenario de western.