French Connection (William Friedkin, 1971)

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Cinq oscars et une course poursuite devenue anthologique. Plus de quarante ans plus tard, « French Connection » ressort en version restaurée, et sa force reste intacte.

Peter Biskind rapporte cette anecdote dans son livre Le Nouvel Hollywood. Face à au producteur Phil D’Antoni, William Friedkin attend le feu vert pour une idée de scénario : The French Connection. Déjà producteur de Bullitt (Peter Yates, 1968), D’Antoni n’a qu’une exigence : il faut à ce script une séquence de course poursuite. Ça tombe bien, Friedkin a lui-même en tête un conseil du père de sa copine de l’époque, Howard Hawks. Un jour qu’il lui demande son avis sur ses premiers films, Hawks fait une constatation impitoyable (quelque chose comme : « ce sont que des histoires de pédés qui vivent en appartement ») et lui livre la clé de son succès : « Le cinéma, c’est de l’action. » Friedkin le prend au pied de la lettre, orchestrant à coups de travellings et de caméra portée un jeu du chat et de la souris entre un flic obsessionnel (Gene Hackman) et un bandit raffiné (Fernando Rey). Intéressant lorsque l’on sait que les deux acteurs ne faisaient pas partie des choix de départ du réalisateur. Hackman est arrivé en dernier après une série de refus (de James Caan et Peter Boyle notamment). Quant à Fernando Rey, ce n’était tout simplement pas lui que Friedkin avait en tête, et une confusion avec le nom d’un autre acteur le fera engager… 

Succession de filatures (à pied, en voiture, dans le métro), le film est dirigé tout droit vers une course poursuite aujourd’hui inscrite au panthéon du cinéma. Impressionné par les cascades de Bullitt, Friedkin veut faire mieux et différent. Plutôt que de filmer une voiture chassant l’autre, lui et D’Antoni ont l’idée d’une voiture lancée à 140 km/h sur les traces d’une rame de métro filant à 80 km/h. Histoire de pimenter la séquence, Friedkin désire par-dessus tout éviter de vider les rues. Au contraire, il veut ressentir la faune de New York, celle qui part tranquillement travailler par une journée d’hiver lorsqu’une voiture harnachée d’une caméra et seulement signalée par un gyrophare lui fonce dessus. Résultat : Friedkin tourne beaucoup de plans sans autorisation (promis juré, il ne le ferait plus aujourd’hui), zigzagant à travers la circulation. Les cascadeurs, eux, ont parfois du mal à régler leur timing et se retrouvent à emboutir la voiture de Gene Hackman lorsqu’ils auraient dû l’éviter. Additionnés à un montage nerveux (Friedkin révèlera plus tard que cette partie a été bien plus compliquée que le tournage), ces risques contribueront à donner à la scène une authenticité brute.


Réaliste et âpre 

Formé à la télévision et au documentaire, influencé par la Nouvelle Vague et – surtout – par Z (1969) de Costa-Gavras, Friedkin aborde French Connection mû par l’envie de retranscrire avec réalisme l’ambiance des rues de New York. D’où le choix de tourner en extérieur (même Marseille ne sera pas recréée en studio). Sa méthode peut paraître simple, elle n’en est que plus efficace et lui vaudra un Oscar de la réalisation : les scènes sont répétées et mises en place en l’absence du caméraman. Lorsque ce dernier arrive sur le plateau, il doit s’arranger pour suivre et anticiper les déplacement des acteurs, donnant au film le cachet documentaire recherché. Quelques années plus tard, Friedkin répétera l’opération (donner un coup de jeune à un genre en l’inscrivant dans le réel) avec le film fantastique et son Exorciste (1973), passant en deux films du statut de réalisateur expérimental à celui de roi du box office et d’auteur malin du Nouvel Hollywood. Statut qu’il ne gardera pas très longtemps. Il ne se relèvera jamais totalement du four de son Convoi de la peur (1977), remake du Salaire de la peur (1953) d’Henri-Georges Clouzot.

Basé sur des faits réels (la French Connection, aussi connue sous le nom de Corsica Connection, un trafic d’héroïne de la France à l’Amérique, a réellement existé), son film a bénéficié de l’expérience de deux flics sur lesquels se basent les personnages de Popeye Doyle et Cloudy Russo (Roy Scheider). Friedkin a suivi pendant plusieurs semaines Eddie Egan et Sonny Grosso dans leurs descentes dans les bars de New York, leur piquant des répliques ici (la fameuse « Tu t’es coupé les ongles à Poughkeepsie ? »), des attitudes là (le tandem du bon flic/méchant flic, très cliché aujourd’hui, a quasiment été inventé par eux). Persuadé que le véritable Eddie Egan n’hésiterait pas à le faire, Friedkin montre Gene Hackman abattant un suspect de dos. Bien peu reluisant pour l’image de la police, ce geste servira d’illustration à l’affiche du film.

Sorti la même année que Dirty Harry (Don Siegel, 1971), French Connection montre lui aussi un flic n’hésitant pas à franchir certaines limites de la loi, obsédé nuit et jour par son métier (le début de la traque commence alors que Popeye et Cloudy ont fini leur service). Mais là où l’inspecteur Eastwood rétablit l’ordre, le flic névrosé de French Connection sème le chaos, tue un de ses coéquipiers et finit par laisser échapper le méchant, incapable de se rendre compte qu’il ne fait que pourchasser une ombre. La fin est âpre et désespérante, comme un entrepôt désaffecté au cœur de l’hiver. 
 

Titre original : The French Connection

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Durée : 104 mn


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