Fogaréu. Disponible chez Universciné.

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Sélectionné à la berlinoise 2022, un voyage troublant au cœur d’un Brésil inquiétant.

Fernanda (Barbara Colen) revient dans la ville de son enfance pour répandre les cendres de sa mère et gérer les terres qui lui reviennent. Au-delà de l’aspect matériel et financier, ce retour va soulever des problématiques d’héritage beaucoup plus complexes et sinueuses. Fogaréu repose sur une remise en cause de nos impressions, insinue le doute sur le sens des images, obligeant une relecture du récit. À l’instar de l’incipit;  une séquence nocturne qui ressemble à s’y méprendre à une cérémonie du Ku klux  Klan – seuls se distinguent  les longues tuniques blanches et les capuches pointues. Fernanda en est persuadée, rit jaune en découvrant son cousin sous l’une des tenues, mais ce dernier s’amuse de la comparaison : il ne s’agirait là que d’une simple tenue traditionnelle associé aux fêtes annuelles  du village. Où se trouve la vérité ? Entre les deux, car effectivement aucune milice raciste ne sévit dans la province, mais à table, et à plusieurs reprises  par la suite, les propos tenus par sa proche famille démontrent un violent rejet des étrangers synonymes de danger, ainsi que des autochtones qui veulent simplement continuer à vivre décemment sur leur territoire.

Au film d’épouvante, Flávia Neves emprunte les métaphores et l’atmosphère trouble,  sans avoir recours aux effets chocs ou à l’hémoglobine pour susciter l’effroi. Le fondu enchaîné qui lie la fête à une scène d’accouchement évoque l’irrémédiable hérédité du mal qui habite la famille de Fernanda, Rosemary’s Baby (Roman Polanski, 1968) en référence. Le portait de cette meute; unie pour le « meilleur » et prête au pire pour assurer sa pérennité rappelle celui de  A History of Violence (David Cronenberg, 2005). Plus glaçant  encore, comme dans Freaks, le chef d’œuvre de Tod Browning (, 1932), les monstres ne sont pas ceux qui ont l’apparence physique la moins gracieuse. Les enfants abandonnés – le plus souvent consanguins – sont recueillis et surtout échangés entre les membres de la famille pour servir de serviteurs.

Sans réduire la portée de ses propos, la réalisatrice propose une grille de lecture teintée d’ironie, à l’étrange voire improbable enchainement des évènements. Comme dans un soap opéra brésilien, les secrets de famille les plus tordus se révèlent successivement. Un métadiscours évoqué à plusieurs reprises, notamment par la tante de Fernanda lors de sa première apparition  » Je serais mieux dans mon lit devant ma télénovela ». Entre l’histoire que raconte la famille de Fernanda et le désir de vérité de cette dernière, deux récits réels ou fantasmés s’affrontent. Mais, il n’y a pas la place pour une telle dualité dans un monde ou l’image diffusée à l’extérieur doit être idyllique, notamment pour  l’oncle Antônio qui se présente pour un nouveau mandat de maire. La cruauté de la famille d’accueil monte en puissance sans jamais sombrer le cynisme gratuit. Quelques goutes d’humanité transpirent sous le masque de l’oncle et la tante, grâce aux interprétations nuancées de Eucir de Souza et Fernanda Vianna. Dans cette distribution, Barbara Colen, révélée par  Kleber Mendonça Filho dans Aquarius (2016) et Bacurau (2018), développe une variété d’émotions proprement bluffante. Ce premier film de Flávia Neves fait preuve d’une maitrise rare. À découvrir absolument.

 

Fogaréu est disponible chez Universciné, dans l’abonnement.

 

 

 

 

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Durée : 100 mn


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