Jusqu’au bout du monde

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Néo-western, brûlot féministe ou romance sentimentale ?

Hommage à sa mère

Avec son impressionnante carrière d’acteur, on aurait presque tendance à penser que ce long-métrage est le premier de Viggo Mortensen en tant que scénariste et réalisateur. Il n’en est rien puisqu’il a déjà réalisé, en 2020, un premier film remarqué, Falling, et qui sort alors qu’il est en train d’écrire le scénario de ce dernier opus. Au moment de la réalisation de Falling, le réalisateur s’est souvenu des sentiments profonds que lui avait inspirés la disparition de sa mère. De son propre aveu, dans le dossier de presse du film, il pense à nouveau à elle dans l’élaboration de ce western. « L’idée de ce film est née d’une image de ma mère, dit-il. J’ai conservé des livres illustrés des années 30 qu’elle lisait quand elle était petite – des récits d’aventures et des histoires de chevaliers qui se passaient au Moyen-Âge. Elle a grandi à proximité de forêts d’érables dans le nord-est des États-Unis, près de la frontière canadienne, j’avais l’image d’elle, enfant, en train de courir dans la forêt – et je m’étais imaginé qu’elle était l’un des personnages de ces vieux livres qu’elle lisait. C’est l’image de départ que j’avais en tête quand je me suis mis à écrire le scénario de Jusqu’au bout du monde pendant le confinement de 2020. »

Renouvellement du genre ?

Ce néo-western qui ne possède pourtant pas hélas la dimension poétique et lyrique des Portes du paradis (Michael Cimino, 1980) va-t-il parvenir à en modifier le style ou restera-t-il une nouvelle tentative à la manière du western spaghetti (appellation désuète et assez inconvenante du reste) ou de Django Unchained (Quentin Tarantino, 2013) ? A ce titre un peu fleur bleu pourtant tiré d’un extrait des dialogues, on préférera certes le titre anglais, The Dead Don’t Heart, nettement plus viril et radical. Mais c’est un beau film même si les néo-féministes et les pères-la-vertu tenteront tout de suite de le tirer bêtement vers une symbolique de défense de la femme. Ce serait vraiment quelque peu affadir ce film tendre et violent que de l’interpréter d’une manière parfaitement univoque alors qu’il va tellement plus loin. Dire que le personnage de Vivienne Le Coudy, magnifiquement interprété par une inattendue Vicky Krieps, est une féministe est assez réducteur, en effet, puisque le film est une belle histoire d’amour entre un homme et une femme à l’époque du Far-West dans un pays que ravage la guerre de Sécession. Certes, cette Québécoise exilée au fin fond de l’Amérique, qui vend des fleurs au marché de San Francisco, pourrait facilement passer pour une femme libérée avant l’heure. Mais lorsqu’elle rencontre Holger Olsen, comme elle expatrié, sorte de cow-boy scandinave sans vache, elle ne va pas tenter de le changer comme l’aurait fait n’importe quel insipide scénario français.

Une femme au centre du western

Elle accepte cette sorte de patriarcat en fait, même si son Olsen, qu’elle suit au bout du monde, est bien le seul homme doux et sensible d’Elk Flats peuplé, comme dans tous les westerns, de crapules, de salauds et de manipulateurs. Mais c’est elle qui, par sa douceur, sa féminité et sa pugnacité, qui va parvenir à se faire aimer de lui avec les gestes simples de la féminité. C’est elle qui nettoie la bicoque les premiers jours où ils s’y installent, c’est elle qui lui demande de planter des fleurs et des arbres et c’est elle encore qui sauvera leur couple lorsqu’ Olsen reviendra de la guerre et que l’horrible Jeffries junior aura violé et battu Vivienne. En réalité, un très beau western produit par Regina Solórzano (productrice de Sans filtre et Bergman Island) qui tente (et réussit souvent) de renouveler le genre, avec le style visuel du chef-opérateur Marcel Zyskind, les chefs-décorateurs Jason Clarke et Carol Spier, et la chef-costumière Anne Dixon – qui avaient tous collaboré à Falling. Mortensen évoque ici l’esthétique de nombreux westerns qui l’ont marqué, s’attardant parfois sur certains détails infimes afin de retrouver l’atmosphère du Nevada des années 1860 en tournant pourtant ce film à Durango, au Mexique, qui a accueilli de nombreux tournages de westerns, notamment dans les années 1960 et 1970. 

Titre original : The Dead Don't Hurt

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Durée : 129 mn


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