Fellini, La Grande Parade

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La parade iconographique des portraits felliniens se fige sur les murs du Jeu de Paume, pour une exposition très attendue, << Fellini, La Grande Parade >>.

Cette exposition ouvre un cycle Tutto Fellini, en partenariat avec la Cinémathèque Française et l’Institut Culturel Italien de Paris. L’occasion pour nous de redécouvrir ce mythe toujours présent, Fellini. 
L’allégorie fellinienne

C’est en qualité de pensionnaire de la Villa Médicis que le Commissaire Sam Stourdzé a préparé Fellini, La grande parade. Depuis le 20 octobre, le Jeu de Paume offre aux visiteurs des documents rares, d’une valeur émotionnelle sûre, de l’art Fellinien. Photographies de tournages, dessins, affiches, extraits de films et coupures de presse, pour la plupart inédits, sont exposés. Sam Stourdzé propose une exposition en quatre séquences, dévoilant ainsi l’œuvre de Fellini à travers ses obsessions : « La culture populaire, Fellini à l’oeuvre, La cité des femmes et L’invention biographique ».

 

 
A travers ce « laboratoire visuel » il est intéressant de découvrir le cinéaste manier avec génie la créature humaine, les images qui y sont présentées convergent toutes vers le sentiment de vouloir montrer la forme de l’homme dans une caricature presque grotesque. Dans le cinéma de Fellini, les personnages ressemblent fortement à ses dessins. La liste de figurants volontaires alignée sur les murs (avec la prétention ou la modestie de tous ces apprentis comédiens) accompagnée d’un « Dear Mr Fellini, can you use me in your next film ? » inscrit en rouge ou d’un « No money ! »  noirci au feutre bleu, ne peut faire oublier que « La première créature fellinienne, était Fellini lui-même ».

On redécouvre le Maestro dans sa réalité. Lui qui s’inscrivait aux côtés du père du néoréalisme, Rossellini, à ses débuts, a su épingler le visible, en se faisant observateur de la société qui l’entoure. L’exposition ne manque pas de rappeler la virtuosité de Fellini, qui avait le génie de partir de simples faits de société pour créer une œuvre. La Dolce Vita en est l’exemple parfait : les photographes qui peuplaient les rues de Rome, un strip-tease devant des notables romains ou la statue d’un christ survolant la ville, tout est rapporté dans son film. Fellini sublime la réalité en mythe. Et, « plus vrai que la réalité », comme le dit Sam Stourdzé, l’exposition Fellini, La grande parade détient un joyau : les photographies de La Dolce Vita en couleurs.

Les images présentées dans cette exposition offrent une émotion étrange où la figure statique des photographies remplit de fragilité les clowns, les prostituées, et Fellini lui-même. Une sorte d’angoisse que le cinéaste dessinait dans ses carnets ouverts sur des pages chargées de pensées existentielles.

Malheureusement, l’exposition souffre d’une scénographie sans engagement et sans point de vue.

Mais comment exposer le cinéma ?

Sam Stourdzé confie dans une interview que son ambition était « d’établir un dialogue entre les images fixes et les images animées ». Or, le parcours proposé pour cette exposition est loin de rejoindre cette intention. Des projections sur les murs ou sur un panneau au milieu de la pièce, entourées de photographies, cela ne crée malheureusement pas un dialogue et encore moins une confrontation. Le spectateur n’est pas invité dans l’exposition. Il est acteur passif dans un système de monstration très didactique et rébarbatif. Le projet Fellini, La grande Parade ne semble pas être pensé comme une exposition mais plutôt comme un livre voire pire, comme un catalogue.

La question est donc posée : comment faire entrer le cinéma dans les murs institutionnels des musées ? Il est vrai que le défi que Sam Stourdzé s’est appliqué à relever était de taille. Il ne s’agissait pas de « faire du spectacle », mais de montrer, avec respect et ingéniosité, l’univers d’une des plus grandes figures du cinéma. Mais ici, ni spectacle, ni ingéniosité, ni respect. Le monde de Fellini nous apparaît soudainement incolore, comme si la tristesse des pauvres murs blancs du Jeu de Paume engloutissait progressivement, de salle en salle, la joie fellinienne, infligeant aux images une mort prématurée.

Fellini au travail (coffret DVD)
 
L’événement parisien de cette fin d’année 2009, placé sous le signe fellinien, nous offre également un document remarquable, mené à bien par Sam Stourdzé et édité par les éditions Carlotta : un coffret dvd, Fellini au travail !.

Ce double dvd propose une véritable rencontre avec le cinéaste. Fellini nous fait découvrir l’élaboration de son travaill et de ses recherches. Ici, tous les films de Fellini deviennent des documentaires grâce aux archives composées de castings et d’entretiens, entre le Maître et les acteurs. Tout y est : Fellini et la publicité, le making-off de la Dolce Vita, l’essai de Walter Santesso pour le rôle de Paparazzo, les instants avec Guiletta Massina. Le Bloc-note d’un cinéaste ou le Fellini d’André Delvaux  trouvent également leur place.

Fellini faisait cette confidence : « Le moins difficile pour moi est de créer des images ». La notion d’image est au centre des préoccupations de Sam Stourdzé, qui ne manque pas de les faire circuler sur ces dvds, complétés d’un ouvrage regroupant des photographies montrant le défilé des figures, les heures de documents rares. Bien loin d’être étiqueté dans le genre des archives, c’est une parade qui vient porter l’imaginaire Fellinien jusqu’à nous.

A noter : un cycle important de conférences sur Fellini sont programmées jusqu’à la fin d’année au Jeu de Paume et à la Cinémathèque Française. À suivre….


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