Maxime Giroux raconte qu’il a parcouru le quartier, qui est du reste celui de son enfance, à bicyclette, tentant de pénétrer dans les synagogues, fréquentant les mêmes rues et les mêmes pâtisseries, jusqu’à entrer en contact avec des hommes hassidiques qui le surprennent par leur sens de l’humour et de la fête et qui, en même temps, sont pleins d’une force spirituelle dont notre monde occidental semble bien dépourvu. C’est ce contraste qui lui a donc donné l’idée de faire se rencontrer deux personnes qui auraient dû rester étrangères et qui, pourtant, vont finir par « tomber en amour », comme on dit au Québec. Félix, héritier désenchanté qui partage la fortune du père avec une sœur un peu absente, et Meira, lumineuse et sensible jeune épouse hassidique vouée à une vie pleine d’interdictions. Leur rencontre n’est que le fruit du hasard, dans un salon de thé pendant que Meira aide sa petite fille à dessiner, et va se poursuivre jusqu’à leur fuite à Venise en passant par Brooklyn. Tout en demi-teintes, le film avance avec une grande délicatesse sur le terrain des sentiments et nous montre comment naît et se consolide un amour entre deux personnes qu’en fait tout oppose. A noter que le film n’est nullement manichéen puisqu’il ne fait pas du mari hassidique un horrible tyran, ni de sa femme une pasionaria excitée. Le charme du film vient à la fois de sa mise en scène et du calme avec lequel les choses se déroulent, comme un lent fleuve qui emporte tout sur son passage, en détruisant pour mieux recréer. « Sans compter, déclare le réalisateur dans le dossier de presse, qu’une vie vécue dans la religion depuis l’enfance, ça ne s’efface pas du jour au lendemain. […] Je voulais mettre en relief d’un côté une société avec trop de repères, trop de règles et, de l’autre, une société gâtée, libre, qui est paradoxalement complètement désorientée. »
A lire aussi : notre rencontre avec Maxime Giroux