DVD : « Il était une fois en Amérique »

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Des Incorruptibles de Brian De Palma aux Sentiers de la Perdition de Sam Mendes en passant par la série récente de Martin Scorsese, Boardwalk Empire, la prohibition a toujours été un sujet en or pour le cinéma Hollywoodien.

Le genre du film de gangster remontant carrément aux origines du cinéma, celui-ci a depuis été re-visité, remanié et corrigé par de nombreux réalisateurs dont les auteurs susdits ou encore Francis Ford Coppola avec sa fameuse trilogie du Parrain. On précisera que le genre permet par ailleurs d’évoquer un milieu et une communauté précise de la population américaine dépendant de l’époque. En effet, si le film de Coppola abordait le milieu de la mafia italo américaine et celui de Mendes la pègre irlandaise, celui de Sergio Leone, Il Etait une Fois en Amérique, évoque la communauté juive New Yorkaise. Sorti en 1984, le film démontra avant tout la faculté de Leone de signer un film profondément nostalgique tout en parvenant à conserver sa patte et son identité propre, en transposant son univers de western spaghetti dans le genre du film de gangster.

Se déroulant sur plusieurs décennies sur une narration éclatée, le film suit le personnage d’un gangster notoire vieillissant (Robert De Niro) remémorant des souvenirs d’enfance et de jeunesse lors de son ascension au pouvoir ainsi que l’amitié profonde qu’il entretenait avec Max (James Woods).

Basé sur le roman de Harry Grey, « The Hoods », Il Etait une Fois en Amérique débute quasiment de la même manière que Il Etait une fois dans l’Ouest ou Le Bon la Brute et le Truand : sur des silences. Dans les séquences muettes en question, le metteur en scène parvient à véhiculer la même tension et la même violence que la fameuse séquence d’ouverture de la gare où trois hommes vêtus de cache- poussières attendent l’arrivée de Charles Bronson. On assiste ainsi au même univers cruel et impitoyable où les images, les actions, les gestes et les silences sont toujours plus éloquents que le texte et les dialogues. En somme, un univers fondamentalement cinématographique de par sa nature. L’utilisation du zoom, de la grue, de la focale courte et du très gros plan « Leonien » identifient clairement la patte du réalisateur tout comme le souci du détail, les visages ainsi que le travail sur les matières (la fumée, la pluie, les éléments…) rendant l’époque d’autant plus palpable et authentique. Parmi les brillantes idées de mise en scène, on évoquera notamment celle de la sonnerie stridente de téléphone employée au début du métrage par dessus les divers séquences entremêlées et montées en alterné. On reconnaîtra également les thématiques de la rédemption, ainsi que celle de l’amitié, récurrentes dans le cinéma de Leone (les rapports humains étant le véritable fil rouge de son cinéma).

Au-delà des partis pris de mise en scène et divers éléments nous revoyant à sa filmographie antérieure, on a réellement l’impression d’assister à une œuvre très personnelle et profondément nostalgique d’un cinéaste en fin de vie et de carrière. Toutes les séquences faisant figurer Robert De Niro vieillissant en sont la preuve même (les séquences du memorial) tout comme l’utilisation du morceau « Yesterday » des Beatles dans la partition de Ennio Morricone. Celle-ci, également bien distincte et reconnaissable porte les mêmes traits musicaux que les partitions composées pour la trilogie des dollars et Il était une fois dans l’Ouest mais qui se retrouve transposée dans une époque et un genre différent (pour l’anecdote, Morricone composa la musique plus de dix ans avant même que le tournage ne débute. Celle-ci fut d’ailleurs diffusée pour les comédiens et l’équipe technique lors du tournage en question selon les souhaits du réalisateur). Autres clins d’oeils Leoniens, la présence de l’un des personnages jouant le thème du film sur sa flûte à l’instar de l’homme à l’harmonica (autre thème récurrent chez Leone : le rapport à l’objet). Tout participe à susciter des parallèles entre l’univers du western et celui du film noir, menant le spectateur à réfléchir sur les deux genres et, plus globalement, sur les mythes du cinéma américain. Unes des questions les plus fréquemment évoquées sur le film aborde l’hypothèse que tout le récit repose sur un parti pris onirique (le fait que le film débute sur le personnage de De Niro dans le décor du salon à opium et s’y achève également sous les sonneries de téléphone prêtent clairement à un tel discours). Dans un entretien, à cette question, Leone répondit : « Noodles rêve comment sa vie pourra être et il imagine son futur, il me donne la possibilité, à moi, metteur en scène européen, de rêver à l’intérieur du mythe américain. Et c’est cela la combinaison idéale. On marche ensemble. Noodles avec son rêve. Et moi avec le mien. Ce sont deux poèmes qui fusionnent. Car en ce qui me concerne, Noodles n’est jamais sorti de 1930. Il rêve tout. Tout le film est le rêve d’opium de Noodles à travers lequel je rêve les fantômes du cinéma et du mythe américains." Une idée que l’on retrouve d’ailleurs joliment illustrée lors de la séquence du bar à opium où sont projetées des ombres chinoises derrière une toile.

L’influence du film est considérable et s’étend de Quentin Tarantino à John Woo en passant par Jean Pierre Jeunet et les frères Hugues (From Hell) mais aussi Jean Jacques Annaud qui, avec la bénédiction de Leone, repris son projet inachevé intitulé Les 900 jours de Leningrad, western sur fond de révolution russe (Le film d’Annaud, sorti en 2000, sera Stalingrad, Enemy at the Gates). Quoi qu’il en soit et outre le discours sur les mythes, Il était une fois en Amérique demeure sans doute ce que le cinéaste a fait de plus ample mais aussi de plus beau et émouvant avec Il Etait une fois dans L’Ouest.


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