Dillinger

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Suite au succès public et critique de Bonny and Clyde de Arthur Penn en 1967, Hollywood vit un vrai revival du film de gangster rétro et, dans les années suivantes, mitrailleuses Thomson et bars clandestins envahissent les écrans comme à l´apogée du genre dans les années trente.

Parmi les meilleurs films de cette nouvelle vague, on peut citer Boxcar Bertha, premier film « professionnel » de Martin Scorsese, le biopic Capone, produit par Roger Corman ou encore le furieux Pas d’orchidées pour Miss Blandish, réalisé par un Robert Aldrich toujours bon pied bon œil. Ce Dillinger, adapté de la vie d’un des plus fameux gangsters des années trente, s’inscrit donc dans ce renouveau et permet à une des figures les plus singulières du cinéma américain de l’époque, John Milius, de réaliser son premier film marquant.

Alors que toute la génération du nouvel Hollywood véhicule dans l’ensemble des idéaux de gauche, Milius est une personnalité bien plus ambiguë dans son positionnement. Passionné des armes à feu, il fait ses premières armes en tant que scénariste sur des films aux thèmes controversés (L’Inspecteur Harry, Magnum Force, Juge et hors la loi) qui, ajoutés à d’autres titres douteux lorsqu’il passera à la réalisation (le très controversé L’Aube Rouge) lui vaudront de se traîner une réputation de Républicain réactionnaire.

Si l’affirmation n’est sans doute pas totalement fausse (ce dont l’intéressé s’amuse d’ailleurs), le cas de Milius s’avère bien plus complexe. Spécialiste des plus grandes batailles historiques, il voue un véritable culte aux grandes figures de militaires (dont Churchill, dont il dressera un savoureux portrait dans Le Lion et Le Vent) et plus généralement aux héros masculins à autorité et virilité exacerbée, le plus connu étant évidemment Conan Le Barbare, héros plus grand que nature et typique de Milius. Cette fascination relève plus d’une vraie philosophie de vie que des relents réacs dénoncés, Milius pensant que le meilleur de l’homme ne se révèle que dans ce qu’il a de plus primitif, dans un retour à la nature où ne survivent que les plus forts, sauvages et impitoyables, respectant ainsi le « cycle de la vie » dénaturé par la civilisation. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que l’on retrouve dans son œuvre cette alternance entre violence guerrière (L’Aube Rouge, Le Vol de l’intruder, la série Rome), apaisement teinté d’écologie (le scénario de Jeremiah Johnson, les surfeurs de Big Wednesday) voire les deux (le scénario de Apocalypse Now et son pendant, L’Adieu au roi, qu’il réalisera 10 ans plus tard).

Cette évocation de la carrière criminelle de Dillinger obéit donc aux canons précités, dans un scénario assez libre dont la construction lorgne sur La Horde Sauvage de Peckinpah. La première partie met en parallèle les hold-ups en série ainsi que la petite vie de la bande de Dillinger avec la traque sanglante de Melvin Purvis et ses G-Man, les plus grands gangsters des USA. Le portrait de Dillinger par Milius se fait tout en nuance : sa violence latente n’est pas négligée, mais malgré tout, son aspect charmeur et hautain le rend immédiatement sympathique dans sa manière de constamment narguer les autorités et sa volonté consciente de s’inscrire dans la tradition des plus grands criminels américain. Warren Oates, grand second couteau des années 60 et 70 qu’on a pu voir chez Peckinpah ou Monte Hellman, livre une prestation formidable en Dillinger, inquiétant et séducteur à la fois. La belle galerie de trognes composant sa bande (Harry Dean Stanton, Geoffrey Lewis, Steve Kanally…) contribue à cet aspect familial, malgré leur nature de durs à cuire et de tueurs sans remords.

A l’opposé, Ben Johnson campe un Melvin Purvis charismatique à souhait et carrément inquiétant dans sa manière d’en finir radicalement avec les criminels. Néanmoins, Milius, dans son admiration des grands hommes d’action, lui offre pas mal de panache entre la voix-off cynique(« À vrai dire je ne lui en ai pas vraiment laissé le temps », lancé alors qu’il abat sauvagement un truand sans sommation), quelques morceaux de bravoure géniaux (lorsqu’il va en finir tout seul, dans une ferme, avec un truand) et un gimmick marquant : ce cigare allumé avant chaque exécution sommaire.

Dillinger et Purvis se tournent ainsi autour durant une bonne moitié de film, avant de se confronter f dans une percutante course poursuite, dans la seconde partie. Réalisation percutante de Milius (hormis de vilains accéléré lors des poursuites en voiture, trahissant le budget modeste) qui joue bien de la faiblesse de ses moyens (la reconstitution es néanmoins impeccable) et distille judicieusement ses scènes d’action. Deux grands moments : le gunfight, où la bande Dilinger se retrouve attendue par les hommes du shérif au sortir d’un hold up, les connaissance de Milius en la matière permettant de bien souligner la différence d’armement entre des truands faisant un carnage à l’artillerie lourde et les hommes de loi, pourtant plus nombreux mais moins bien équipés. L’autre séquence d’envergure est l’embuscade des hommes de Purvis au petit matin, long flinguage sanglant, largement influencé par Peckinpah également.

La tendresse de Milius pour ses gangsters se ressent dans la dernière partie, où il offre à chacun une mort flamboyante et émouvante, notamment celle de Steve Kanally, mourant juste après avoir brièvement retrouvé un semblant d’équilibre familial. C’est cependant l’historien qui parle pour la fin de Dillinger lui même, nettement plus sèche, directe et distanciée, dans un soucis de coller à la réalité.

Même s’il continua parallèlement son métier de scénariste, la carrière de réalisateur de Milius était définitivement lancée avec ce film et occasionna plusieurs réussites marquante de l’époque.

Titre original : Dillinger

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Durée : 103 mn


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