Destination Himalaya, le pays d´où vient le vent

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Le sixième long-métrage du réalisateur de « La petite fille de la terre noire » sort cette semaine en France. En voyage sur le toit du monde, dans un décor austère, il prend le parti de l´épure.

Un homme (parfaitement interprété par Choi Min-sik, brute épaisse dans Old Boy et Lady Vengeance) est envoyé dans un petit village du Népal afin d’annoncer à la famille d’un ouvrier employé clandestinement en Corée son décès accidentel – il a fui un contrôle de police et s’est fait renverser par une voiture. Cette expédition sera pour lui un voyage initiatique.

De la première confrontation entre cet homme et ceux à qui il doit annoncer la nouvelle (le père, la femme, le fils du défunt), le cinéaste fait ressortir un sentiment d’incompréhension mutuelle. L’un est coréen, les autres népalais. Parlant des langues différentes, ils ne parviennent pas à communiquer. Les corps se crispent. D’un côté, l’attente anxieuse des nouvelles, de l’autre le poids du message, la mort, et la peur de le transmettre. Les personnages passent alors par l’intermédiaire de l’enfant, utilisant un anglais approximatif. Mais la vérité se dérobe, le Coréen ne parvenant à assumer la responsabilité de l’annonce. Il distribue des cadeaux et de l’argent, et déclare le défunt en parfaite santé. L’accouchement est manqué. Il faudra tout le film, ou presque, pour en venir à bout. La rencontre, elle, fait ressortir le caractère indéchiffrable, l’opacité de l’autre.

 

Le cinéaste prend le parti de placer au centre de son film ce personnage qu’il déplace, le temps du récit, en territoire étranger. De cet homme, nous ne savons presque rien, si ce n’est que le mutisme est un trait de caractère particulièrement affirmé chez lui. Les premiers plans, situés en Corée, introduisent un corps errant sans voix, dans une suite de situations qui le rendent opaque. Mais s’il est peu expressif, il semble également avoir renoncé à toute forme d’interaction avec le reste du monde. C’est un îlot massif et dépressif. Nous ne comprendrons que bien plus tard l’ensemble des raisons du voyage, ainsi qu’une partie des causes de ce qui semble la « maladie d’être » de cet homme.

Parmi les cadeaux offerts, un ballon de foot pour le petit garçon. Avant de se lancer dans une partie, notre homme, qui s’appelle Choi, doit gonfler l’objet. On ressent pleinement sa difficulté. Et les quelques pas de course effectués pendant le jeu l’essoufflent rapidement. La raréfaction de l’oxygène due à l’altitude le fait plier à de nombreuses reprises, par exemple sur le trajet qui le conduira jusqu’au village après l’introduction coréenne, où nous le voyons muettement tenter de s’accrocher, suivant la silhouette de son guide toujours loin devant, inaccessible. L’altérité est ainsi construite avec la plus grande justesse, a priori inassimilable, aride, mais d’une grande puissance d’expression qui met à mal le personnage, et ne mettra pas longtemps à n’en faire qu’une loque. On pourra pourtant entendre son souffle rauque envahissant exagérément la bande-sonore, lors de son évanouissement, au cours de la marche, comme la prémisse à une nouvelle naissance. Il s’agira auparavant de mettre son corps en adéquation avec cet environnement nouveau.

 

 
Le cinéaste parvient parfaitement à rendre et nous faire éprouver la violence de l’épreuve, travaillant l’épure, le vide dans le cadre, et par là-même le vertige. Le décor est l’autre personnage important du film. Sa sécheresse semblera tout d’abord inhumaine. Elle met à nu sans ménagement l’âme en peine de Choi. Une scène nous montre, au bord du gouffre, le petit garçon lui indiquer depuis quel endroit, quelle montagne, vient le vent. Comme lui, nous sommes invités à nous laisser habiter par ce souffle, certes rude mais néanmoins d’une incomparable richesse.
 

Titre original : Himalayaeui Sonyowa

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Durée : 95 mn


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