Dans l’ombre de Marlow

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Bizarre drame fantastique allégorique, Dans l’ombre de Marlow (film français à très petit budget) semble marcher dans les pas de David Lynch mais sans en posséder aucunement le talent. On suit avec peine la déambulation d’une jeune femme qui semble marquée par un traumatisme familial et cherche à déposer le manuscrit du livre qu’elle en aurait tiré dans une mystérieuse « Boîte » perdue en plein désert espagnol, en échappant à un mystérieux tueur masqué comme sorti d’un film de Sergio Leone.

 

Tout le monde n’est pas David Lynch

Une jeune femme qui porte le nom d’un célèbre détective privé de fiction, Marlow (médiocrement interprétée par Margaux Pecharman, aux capacités d’expression limitées) semble hantée par un cauchemar où on croit percevoir le souvenir d’un père assassin interprété par Bruno Salomone (qui n’apparaît que fugitivement dans le film, dans ce qui s’apparente à des flash-backs). On la voit qui part au volant d’une Ford blanche dans un désert écrasé de soleil (le dossier de presse indique qu’il s’agit de l’Espagne), à la recherche d’une « Boîte » où déposer le manuscrit qu’elle a rédigé, semble-t-il sur ce drame qu’elle aurait vécu (drame qui ponctue le film en interrompant le déroulement narratif par plusieurs analepses). Est-ce elle la petite fille qui est conduite inconsciente dans les premières images dans une salle d’opération, celle sur laquelle son père aurait tiré (après avoir assassiné sa mère), et que des médecins essayent de sortir du coma où elle est tombée ? On n’en saura pas plus, sinon que l’idée de cette « Boîte » (où déposer ses rêves/anamnèses) lui aurait été soufflée par ce même père, juste avant qu’il ne tire sur elle puis se suicide ensuite…La « Boîte », elle finira par la trouver, sous la forme d’une banale boîte aux lettres jaune de la Poste (française), perdue au milieu du désert espagnol (!), remplie d’autres manuscrits apparemment similaires. Intervient alors un véhicule conduit par un chauffeur mutique, qui récupère les textes de la « Boîte » et les jette à l’intérieur de sa camionnette où (en présence de Marlow qu’il a invitée à monter) un groupe d’hommes masqués s’arrache ces textes – dont le sien – pour les dévorer (sont-ce d’odieux « critiques » ?), avant d’être eux-mêmes massacrés.

Dès le départ dans son périple (non dénué d’humour noir) Marlow a dû suivre les instructions d’un animateur radio déjanté, qui se fait appeler « Le King » (on ne voit que son visage caché derrière ses lunettes) et humilie devant ses auditeurs enthousiastes ceux ou celles qui échangent avec lui (on y a vu une référence au film de Terry Gilliam: The Fisher King : « Le Roi-Pêcheur », influencé par la légende arthurienne et la quête du Graal). Le King (Thierry Desroses) recommande à Marlow de trouver un « Guide », dont on verra au bout du compte qu’il se cache dans une maisonnette (on entendra sa voix mais on ne le verra pas), qui seul lui permettrait d’arriver à la « Boîte ». Chemin faisant Marlow tombe sur une sorte de « bar » à ciel ouvert perdu en plein désert, tenu par Judy (Armelle Deutsch) et peuplé de zombies, où l’on ne sert qu’un cocktail bizarre et non pas le lait auquel les quelques clients masculins attablés semblent aspirer mais n’ont pas droit (trois bouteilles sur un tonneau)… sauf s’ils sont des « privilégiés » (dans cette évocation du bar comme carrefour de rencontres, il pourrait y avoir un rappel du film d’Alain Guiraudie Pas de repos pour les braves, fantaisie onirique sortie en 2003). Pour pimenter le tout, Marlow est poursuivie par un étrange personnage masqué, qui la hante et qu’on dirait tout droit venu (avec son long manteau et son chapeau de cowboy) d’un film de Sergio Leone : il semble n’exister que pour trucider ceux qu’il rencontre avec son couteau (image du père meurtrier évoqué par ailleurs ?). Finalement Marlow, son manuscrit déchiré comme on l’a expliqué plus haut, repart en compagnie d’un autre « auteur » (Barry), recalé par « Le King », qu’elle avait rencontré au début et qui lui avait alors à raison déconseillé de poursuivre son périple…

Quel sens trouver à ce fatras ? Ce ne peut être seulement une parabole de la difficulté à faire aboutir un projet artistique (qui a été celle des réalisateurs de ce film à budget dérisoire : Bertrand Mineur et Aurélien Harzoune), cas de Marlow comme « autrice » puisqu’elle n’arrive à rien sur son chemin semé d’embuches. Vu l’atmosphère qui se voudrait inquiétante et mystérieuse, on devrait plutôt y déceler une tentative ratée d’incursion dans un univers onirique proche de celui de David Lynch (celui de Mulholland Drive notamment, sorti en 2001, où on retrouvait une mystérieuse « boîte »,  bleue cette fois-ci et qui, une fois ouverte avec sa clé, donnait accès à la vérité cachée dans le subconscient de l’héroïne principale).

On ne perdra pas de temps à s’interroger. Car ce malheureux film, inutilement confus et mal conçu, est surtout mal filmé et mal interprété.

 

Margaux Pecharman

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Durée : 78 mn


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