Crache coeur

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Ce teen movie pas comme les autres dresse un portrait caca d’oie de la jeunesse frustrée et de la Pologne cliché.

Le film aurait pu s’appeler Récit de famille et de frustration : Crache cœur est plus direct, comme un uppercut qui évoque à la fois un vêtement féminin un peu désuet et le fait de cracher sur un cœur, autrement dit peut-être de refuser l’amour. Dans ce film qui pourrait bien être autobiographique, à la suite de deux courts métrages sur un thème assez identique, Anton dans l’ombre (2010) mais surtout Musique de chambre (2012) dans lequel l’héroïne est aussi flutiste, Julia Kowalski fait preuve d’une grande maestria. Dans l’entretien qu’elle a accordé à Yann Gonzalez (Les rencontres d’après minuit, 2013) pour le dossier de presse, elle lui confie son obsession de la perfection lorsqu’elle prépare un film, ne laissant rien au hasard, du choix des acteurs jusqu’aux couleurs, aux vêtements, aux objets et bien sûr aux lieux. Elle a visité par exemple une soixantaine de maisons, tous les lycées et collèges de Bretagne, et presque autant en Pologne, pour dénicher la perle rare. Il en va de même lorsqu’elle filme, tout est dessiné à l’avance notamment lorsqu’elle parle d’un plan séquence de cinq minutes trente pour lequel la maison a en fait été choisie, jusqu’aux « couleurs caca d’oie de vieille Polonaise » des tapisseries et des meubles !

Niveau mise en scène et musique écrite par son propre frère, tout est nickel. Il n’y aurait que le scénario peut-être un peu trop cousu de fil blanc, surtout dans l’épisode qui précède le départ trop précipité pour la Pologne et les retrouvailles entre le père et son fils. Mais le mérite du film est quand même de s’éloigner complètement des codes des teen movies, ne serait-ce que par le choix des acteurs en complet décalage et qui peut empêcher, volontairement ou non, toute identification. Ainsi, la jeune Rose – interprétée par l’intéressante Liv Henneguier que Julia Kowalski a découverte après une année complète de casting dans le court métrage de Joanna Grudzinska, Loups solitaires en mode passif – semble trop jeune, presque une enfant, imprévisible et déplacée dans certaines scènes. On a encore plus de mal à lui imaginer une histoire sexuelle avec le fils du Polonais que son père employait au noir et qui est plutôt beau gosse, faisant même plus que son âge. Il s’appelle Yoann Zimmer et Julia Kowalski l’a découvert en Belgique. Ces choix ne sont pas innocents pour une réalisatrice qui s’inspire un peu de Maurice Pialat et qui conseille à ses techniciens et acteurs de regarder des films tels que Travolta et moi (Patricia Mazuy, 1993) ou encore L’effrontée (Claude Miller, 1985), Kids (Larry Clark, 1995), Gummo (Harmony Korine, 1997) et À bout de course (Sidney Lumet, 1988). En référence à la Pologne, le pays de ses parents et de sa famille, elle a engagé une star locale qui défraie souvent la chronique en raison de ses diverses frasques. En effet, Andrzej Chyra interprète à merveille l’ouvrier polonais employé au noir et qui reste toujours aussi imprévisible. Bien sûr, ces images sur la Pologne nous entraînent quelque peu vers le cliché et pourraient bien gâcher le film, sauf qu’elles sont parfaitement assumées par la réalisatrice et c’est en fait un point positif. « Ca me plaît de jouer avec les clichés, déclare-t-elle dans l’entretien. J’aime croquer un personnage en quelques traits, de manière purement physique, qu’on comprenne très vite de quel genre de type il s’agit, et à partir de là, commencer à travailler, à plonger dans les méandres du désir, le mystère des sentiments. Pourquoi s’interdire les clichés ? C’est tellement bien pensant. Le racisme positiviste, il est là aussi. Jozef est Polonais, alcoolique, il boit de la vodka Sobieski, et alors ? »

Titre original : Crache coeur

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Durée : 83 mn


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