Quand sa grand-mère tombe malade, M, un joueur paresseux et sans emploi, se rend compte qu’il ne lui a guère accordé d’attention. Dans une tentative de renouer avec elle et de réclamer ainsi son héritage, il commence à s’occuper d’elle. Mais à mesure qu’ils passent du temps ensemble, un lien surprenant se développe peu à peu entre eux, reliant deux générations complètement différentes.
La première scène du film se déroule dans un cimetière où une famille chinoise vivant en Thaïlande honore l’un de ses défunts. Ensuite, nous apprenons que Mengju, la matriarche de la famille, fait une chute qui l’oblige à être hospitalisée. Sa famille apprend alors qu’elle est atteinte d’un cancer de stade quatre et qu’il ne lui reste probablement plus qu’un an à vivre. Au début, Mengju n’en parle pas elle-même, mais lorsqu’elle apprend son état, elle reste stoïque. Le film suit pas à pas la thérapie de Mengju – elle suit une chimiothérapie et perd ses cheveux – mais la vie continue malgré tout, et la musique touchante de Jaithep Raroengjai associée à la picturalité du film, photographié avec subtilité par Boonyanuch Kraithong, contribuent à ce que cette histoire soit relativement légère. Centrée sur la vie de famille, cette œuvre rappelle parfois le travail d’Ozu (elle inclut même des images de trains, souvent présentes dans ses films). Les lieux où évoluent les personnages ne constituent pas un assortiment attendu et stéréotypé de cartes postales liés à ce pays, tels ces intérieurs où le désordre des objets devient esthétique.
Le titre, quant à lui, évoque une comédie policière britannique loufoque des années 50-60 ; en réalité, nous sommes en présence d’un film doux et triste, réconfortant , dont le titre original, Lahn Mah, le Petit-Enfant de Grand-mère, est plus juste. (Et puis, puisqu’on parle d’héritage, ne devrait-on pas plutôt dire « après la mort de grand-mère » et non « avant » ?). Le réalisateur de télévision Pat Boonnitipat fait ses débuts au cinéma. Usha Seamkhum, 78 ans, ancienne mannequin pour des publicités télévisées et débutante au cinéma, offre une belle performance dans le rôle de Menju, une veuve qui a accepté son cancer en phase terminale avec une sérénité sans complexe. Mais elle est bien consciente que son testament pourrait causer des problèmes avec ses enfants adultes : Kiang, un agent de change coincé, Soei, un joueur alcoolique et accro, et Sew, un travailleur acharné, dont le fils M (Putthipong Assaratanakul) est au cœur de l’histoire. M, un jeune homme décontracté d’une vingtaine d’années vivant chez ses parents, pense que diffuser ses parties de cartes en direct pourrait être monétisé pour ses fans abonnés et lui rapporter beaucoup d’argent – un projet désormais réduit à néant. Fasciné par sa belle cousine Mui (Tontawan Tantivejakul), qui vient de recevoir une fortune de son grand-père, parce qu’elle l’a soigné au long de sa maladie fatale, M suit le conseil de sa cousine de passer tellement de temps avec sa grand-mère qu’il ne perçoive plus ce qu’elle appelle « l’odeur de vieux ». M. débarque ainsi chaque jour chez sa grand-mère, l’air trop hypocrite et empressé, lui demandant avec insistance s’il peut faire quelque chose pour elle ; la vieille dame est parfaitement au courant de ses manigances, mais il n’est pas plus cupide que ses autres proches et semble bien plus charmant qu’eux. Elle rumine aussi le fait qu’elle n’a rien obtenu en s’occupant de ses propres parents malades, dont la totalité de l’héritage est allée à son frère indigne.
C’est un film parfois très sensible dans lequel des accords de piano plaintifs surlignent ou surajoutent les moments pathétiques; mais il contient cette qualité de décrire avec une certaine intensité la richesse des rapports intergénérationnels en Asie face à l’avidité et l’individualité engendrées par le monde moderne. Les jeunes d’une vingtaine d’années, privés des carrières que leurs parents tenaient pour acquises et disposant de plus de temps libre que les baby-boomers, pourraient bien cultiver l’art de se rapprocher de leurs grands-parents. Et, malgré une évolution dramatique attendue, Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère) développe plusieurs micro-récits d’un intérêt touchant. Un bon et beau film, qui nous emmène dans une contrée récemment et tragiquement touchée par un séisme.