N’est pas super-héros qui veut… Yann Moix, écrivain à succès, cinéphage accompli, fort du carton au box-office que fut, en 2004, son Podium, est pourtant parti d’une jolie idée. Dans la lignée de son anti-héros précédent, il donne en effet au ci-devant Régis Deloux, professeur de mathématiques à Montreuil-sous-Bois, solitaire et coincé, le pouvoir de voyager dans les films, là même où il rencontrera, enfin, la femme de ses rêves.
Chic !, se dit le cinéphile de base, même si l’on pressent assez vite, dès le générique d’ouverture, que l’on sera plutôt tourné du côté de Jean Yanne, option Deux heures moins le quart avant J.C, que de Woody Allen et sa fameuse Rose pourpre du Caire. Nulle poésie, nulle douceur enveloppante et réconfortante, de fait, à la façon du rêve éveillé, celui-là même qui permet de composer avec l’âpreté du réel, tout du moins de compenser. Non, là, très vite s’installe un festival de grimaces, d’imitations sèches, raides, caricaturales.
Car Yann Moix, qui a tous les culots – et un budget rondelet de 16 millions d’euros –, s’offre carrément un voyage dans l’histoire du cinéma, essentiellement américain, revisitant Kubrick (par deux fois : Barry Lyndon et Orange mécanique), Murnau (L’Aurore), Scorsese (Taxi driver), Sergio Leone ; convoquant Harold Lloyd, Zorro, Robin des Bois, Sissi, Tarzan, etc. !
Oui, oui, vous avez bien compris, ce florilège d’icônes enfantines et grand public s’emboîte sans complexe à deux, trois chefs-d’oeuvres ! Et, attention, il ne s’agit ni de citations joueuses, ni d’hommages attendris voire admiratifs, mais d’une reconstitution sans ambages, littérale, de scènes souvent mythiques (joli travail à la photo, cela dit), qui s’enchaînent sans queue ni tête, à la façon d’un catalogue assez vain.
Peut-être avec un scénario consistant, Moix et son co-auteur (ils sont deux, donc) auraient pu toucher leur cible. Mais là, nanti d’une historiette sentimentale pâlichonne et d’un deus ex-machina juste fou-fou (ben tiens, c’est tellement plus simple), leur long métrage s’embourbe dans l’ennui. D’autant plus qu’en choisissant le ton de l’imitation (grossière), jamais une seule fois on ne sent poindre cet amour du cinéma qui, a priori, justement était ou aurait dû être à l’origine de ce projet.
Même le jeu des acteurs témoigne de cette mésalliance. Franck Dubosc (en remplacement de Benoît Poelvoorde, initialement prévu) a beau se démener – il est quasiment de tous les plans –, il ne fait que reprendre ses tics d’acteur de one-man-show, petit aventurier mythomane d’une banlieue estampillée 70’s. Crispé, crispant – mal dirigé, en fait, sachant en plus que le cinéma grossit le trait bien plus que la scène –, jamais il ne s’autorise la moindre faille, le moindre flottement, coincé dans un surjeu théâtral, offensif, voire racoleur. C’est d’autant plus dommage que l’on sait, depuis Incognito, qu’il peut être aussi un comédien, et pas seulement un personnage. Pierre Richard, invité pour faire du Pierre Richard, fait quant à lui… du Pierre Richard, tandis que Lucy Gordon, pourtant ravissante, est d’une fadeur et d’une inexpressivité assez rares. Et que dire du retour d’une Marisa Berenson vieillissante dans son rôle mythique de Lady Lyndon ? Cette fois, ce n’est plus mal aimable, c’est tout bonnement cruel.
C’est dire si dans ce Cinéman hypertrophié d’ego, il n’est guère question de désir, ni de générosité ou d’élan. De cinéma, tout simplement.