Captain America : Civil War

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Un douloureux retour sur terre pour les héros Marvel et la confirmation que « Captain America » est la franchise la plus intéressante du studio.

Le coup de poker d’un univers partagé, engagé par Marvel lors du lancement de Iron Man (2008) s’avère désormais un coup de maître, parfois artistique (Captain America : First Avenger (2011), Captain America : le soldat de l’hiver (2014), Avengers (2012) et Les Gardiens de la galaxie (2014)) et surtout financier. La promiscuité de la série télé et les moyens du cinéma ont façonné une vraie connivence avec le spectateur, pour lequel l’immense feuilleton Marvel est devenu le mètre étalon du film de super-héros – avec ses codes identifiés, il n’y a qu’à voir les salles rester pleines lors des génériques en attente de la scène bonus habituelle. C’est désormais la norme du blockbuster américain, ne pensant plus ses productions qu’en terme d’univers partagés et déclinables en de multiples et très rentables franchises. Les tentatives de projets originaux, risqués et one shot, se font denrées rares, le public n’ayant plus la curiosité de s’aventurer dans une proposition lui étant totalement inconnue – voir les échecs injustes des formidable A la poursuite de demain (Brad Bird, 2015) ; John Carter (Andrew Stanton, 2012) ; ou Lone Ranger (Gore Verbinski; 2013). D’évènementielle, la saga Star Wars est devenue une vache à lait lucrative – on attendra de voir si les spin off valent mieux que la paresseuse redite de JJ Abrams -, Universal recycle ces mythiques Universal Monsters en univers partagé à la Avengers, et la Warner reprend à son tour le modèle pour adapter les DC comics avec le récent Batman vs Superman : l’aube de la justice (Zack Snyder).

Désormais copié de toute part, comment Marvel allait donc répondre à la concurrence ? Le problème de la construction d’un univers partagé au cinéma, c’est le sens des priorités dans ce que l’on a à raconter au fur et à mesure que celui-ci se développe. Avengers : l’ère d’Ultron (2015) avait été une déception en négligeant le déroulement du film en cours pour préparer les évènements des suites à venir dans un ensemble bancal. C’est un écueil dans lequel est tombé de manière pire encore Warner dans Batman vs Superman : l’aube de la justice, les vraies qualités du film étant noyées dans le cahier des charges destiné à préparer les opus suivant. Des personnages pas établis annonçant un univers qui l’est tout aussi peu et amorcé dans la précipitation, le résultat était un beau gâchis que corrigera peut-être un director’s cut. Marvel semble de son côté avoir retenu la leçon avec ce Captain America : Civil War : chaque nouveau film doit fonctionner en tant que continuité de cet univers partagé et pas en promesses de ce qui s’y annonce. Les Captain America sont certainement les films les plus réussis produits par Marvel et ce troisième volet le confirme. Le film poursuit les précédentes aventures du Captain dont on retrouve la tonalité de thriller politique tout en constituant une suite bien plus convaincante des Avengers dont on retrouve l’équipe presque au complet. L’intitulé Civil War désigne une fameuse saga récente des comics qui questionnait la place des super héros et leur nature instable par rapport au gouvernement en place, ce qui suscitait un immense conflit idéologique au centre duquel s’opposaient Iron Man et Captain America. Le film reprend cette idée avec tous les climax destructeurs des précédents films, remettant en cause le statut des Avengers sommés de se soumettre au pouvoir en place. Un souhait légitime tout comme sa contradiction si ledit pouvoir est corrompu et fait agir nos super héros selon des intérêts douteux. C’est là que la continuité des films antérieurs est judicieuse : en instaurant une tension immédiate de par les acquis déjà posés des personnages. L’héroïsme nourri de culpabilité de Tony Stark/Iron Man (du fait de son passé de marchands d’armes) l’incite à se soumettre à la loi. La figure de rempart vertueux et son expérience face à la dictature affichée ou larvée (les nazis du premier film ou le SHIELD infiltré du second) amène plutôt une méfiance de Captain America, refusant lui de donner le blanc-seing à un pouvoir aux desseins imprévisibles. A cela s’ajoute une implication plus personnelle, connue pour Captain America avec Bucky et qui constituera un superbe coup de théâtre pour Iron Man.
 

Chacun des personnages est dans son droit, pense agir pour le meilleur, le récit offrant de très intéressantes thématiques dans une Amérique pas remise du 11 septembre et des errements de l’administration Bush. Tout cela était déjà contenu dans Captain America : Le soldat de l’hiver et idéalement développé ici. L’adversaire est d’ailleurs tout ce qu’il y a d’humain, et le fruit des fautes passées de nos super héros. Les frères Russo avaient livré un spectacle de haute volée avec Le Soldat de l’hiver et récidivent ici, profitant des bases de l’univers Marvel pour se départir de scènes introductives et lancer immédiatement l’action. Tout ce conflit moral qui va déchirer les Avengers se fait dans le mouvement d’une narration fluide et riche en péripéties. Il y aurait à redire sur le trop plein de personnages dont le choix dans le débat est survolé pour certains afin de privilégier cette dynamique du récit. Cependant, les scènes de combats collectives sont fabuleuses, comme ce duel dans l’aéroport où les Russo exploitent avec une grandiloquence comics jubilatoire les capacités des protagonistes, que ce soit Ant-Man, une nouvelle incarnation éblouissante de Spider-Man ou la Panthère noire. D’ailleurs, là aussi l’aspect teasing rédhibitoire (Marvel intronisant ce nouveau Spider-Man en vue d’un prochain film), en se fondant dans l’action, dérange moins. C’est en déchaînant la pyrotechnie du genre au service de l’intime que le film trouve sa force, notamment dans un final cathartique et anti-spectaculaire où les héros sont renvoyés à leurs doutes. Robert Downey Jr. n’avait pas été aussi intense et impliqué depuis le premier Iron Man, Chris Evans est égal à lui-même et formidable d’humanité et de droiture. Fort de ses deux pivots, le reste des protagonistes – quand on leur laisse le temps de présence pour exister (Scarlett Johansson en Veuve Noire, Chadwick Boseman en Panthère Noire) – est au diapason. Les Russo tournent le dos à l’escalade de destruction massive – remise en cause au sein même du film – pour une conclusion amère laissant les Avengers ébranlés. C’est donc la force du récit en cours qui donne envie de voir la suite et pas les indices maladroitement lancés qui rendent plus problématique l’intérêt du Batman Vs Superman de la concurrence. En revenant à hauteur de ses personnages, Marvel redonne de l’intérêt à son univers.

Titre original : Captain America: Civil War

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Durée : 148 mn


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