Bye Bye Blackbird

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>, témoigne-t-il. Et pour cause. Les films circassiens n´ont jamais fait recette. Après le fiasco de Lola Montès réalisé par Max Ophüls en 1955, difficile de porter à l´écran un autre regard sur le monde magique du cirque. Mais Savary, le fils, persiste et signe, portant son projet, à bout de souffle, après dix ans […]

<< Dès qu'on cherche à immortaliser le cirque au cinéma, dans ce qu´il a de plus beau, on se plante. On ne peut l´aborder qu´avec cruauté >>, annonce d´emblée Robinson Savary, fils du dramaturge Jérôme Savary. Père de la célèbre troupe du Grand Magic Circus, il était sublime sur scène, << grotesque >> dans les coulisses, à moitié démaquillé, la gueule encore enfarinée au troquet. << J´ai voulu saisir cet instant indicible entre le moment où mon père était dans la lumière, électrisant le public, et celui où il se retrouvait seul, dans l´ombre, cloîtré dans son silence>> bredouille son fils, à demi-mots. Film autobiographique, évidemment. Psychanalytique, probablement. Mais pas seulement. << Je suis passé par des périodes d'attente inhumaine, tout le monde me conseillait de laisser tomber, de passer à autre chose >>, témoigne-t-il. Et pour cause. Les films circassiens n´ont jamais fait recette. Après le fiasco de Lola Montès réalisé par Max Ophüls en 1955, difficile de porter à l´écran un autre regard sur le monde magique du cirque. Mais Savary, le fils, persiste et signe, portant son projet, à bout de souffle, après dix ans de longue haleine. << L´univers du cirque ne m'intéresse que dramatiquement. C'est un microcosme où vie d'artiste et vie personnelle se mêlent intimement>>, confie-t-il. Et c´est cette double existence, ambivalente, que le réalisateur a voulu capturer.

Loin des sourires des clowns tristes, à l´instar du téléfilm de Federico Fellini Les Clowns (1970), Robinson Savary révèle l´envers du décor circassien. 1900, Londres, Joseph, un ouvrier slave, voit, impuissant, son ami disparaître dans le vide. Meurtri, il suit un cirque itinérant qui sillonne les routes d´Europe. Lorsque Josef tombe amoureux d’Alice, bel oiseau trapéziste, il prend son envol pour la conquérir. Jeu d´amour et de hasard, périlleux tant pour leur corps que leur âme, chacun y perdra des plumes. La comédie se fait alors tragédie, révélant à chaque clown son vrai visage. << Pour moi, l'acrobatie est comme une sorte de masque concret >> confie James Thiérrée. Tel un oiseau déchu, il campe, sous son costume de plumes, le personnage de Joseph avec animalité. Son masque tombe et il devient une triste bête de foire. Métaphore de la mort, il s´incarne alors en corbeau, avant de se brûler les ailes.

Immanquablement, Bye bye blackbird, fait écho aux Ailes du désir, l’oeuvre immortalisée depuis 1987 de Wim Wenders, que Robinson Savary semble ici avoir presque ressuscitée: tourbillon de passion virevoltant dans les airs, qui fait tourner la tête et battre les coeurs. Cette histoire d´amour fou, le réalisateur la filme avec un esthétisme léché mais assumé. Frôlant presque la théâtralité. La caméra en noir et blanc, au ton sépia, insuffle un air d´antan, nostalgique. C´est ce raffinement de l´image qui donne prétexte à l´histoire, cependant inconsistante, et qui apporte au film son ambiance lyrique et dramatique.

Néanmoins, incapable de transmettre une enveloppe charnelle et émotionnelle à ces images artificielles, le cinéaste se noie dans l´idée brumeuse d´un cirque << déprimant >>, où les rires conduisent inéluctablement aux larmes, la comédie à la tragédie. Sans réelle nuance, on passe du tout au rien, pris au piège – mis en cage – par un manichéisme quelque peu étouffant. Et si l´on est prêt à se laisser emporter dans ce délire baroque, on ne parvient pas toujours à s´envoler.

En dépit d’une excellente distribution (James Thierrée, Izabella Miko, Michael Lonsdale, Derek Jacobi), Robinson Savary ne parvient pas à inoculer un véritable souffle à ses personnages qui demeurent des pantins, désincarnés, mimés. Pourtant, l´interprétation de James Thierrée, petit-fils de Charles Chaplin, est juste et crédible. Ayant baigné dans l´univers circassien depuis l´âge de cinq ans, son jeu corporel nous en dit plus long que ses dialogues, moins convaincants. Et Michael Lonsdale, par son physique clownesque, joue avec humour un bon samaritain, touchant. Mais, sans issue, on assiste, acculé, à la chute finale et fatale. La complexité du scénario, elliptique, voire décousu et confus, rend la narration approximative et parfois incompréhensible (de nombreuses scènes écrites n’ont pas pu être tournées, pour des raisons techniques et budgétaires).

Loin d´être un fiasco, Bye bye blackbird est une oeuvre alambiquée, peut-être (trop) en quête de sens, de reconnaissance. Autobiographique, disions-nous ?

Titre original : Bye Bye Blackbird

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Durée : 99 mn


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