Blank City

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Un documentaire un peu trop sage pour capturer l´effervescence du cinéma de la transgression new-yorkais de la fin des années 70.

La Française Céline Danhier découvrit New York par le cinéma de Martin Scorsese dans After Hours (1985). Fascinée par la ville sombre, dangereuse et séduisante, elle se familiarisa par la suite avec une scène musicale nommée « no wave », en réponse à la « new wave » qui occupe les esprits d’alors et dont la presse se fait un écho plus large. Grâce à la musique, elle entrevoit  l’existence d’un courant de cinéma exaltant la transgression, la liberté des formes et surtout indissociable de sa ville de production : New York.

La « Blank City », littéralement ville blanche, au sens où elle était alors vierge, à remplir, est le véritable argument de ce documentaire, valorisant une période créatrice qui n’aurait pu advenir, comme l’expliquent les quelques 40 personnes interviewées, sans que New York n’en soit le théâtre en même temps que le sujet. La cité est alors, dans une bonne partie de ses quartiers, désaffectée, sale, peuplée de junkies, en somme un véritable coupe-gorge. « Les gens bien comme il faut cherchaient à fuir la ville. Les seules personnes qui voulaient y venir, c’était les anormaux et les déséquilibrés », explique en préambule le musicien James Chance.

On sent combien le documentaire souhaite mettre un peu d’ordre et donner du sens à une période brouillonne, aux acteurs autant complices que concurrents, aux prises de positions diverses. La réalisatrice compile donc des extraits d’entretiens face caméra très courts, réunis par thématiques. Pour témoigner de ce cinéma qui n’était, selon les dires de certains « pas de l’avant-garde, pas underground, pas expérimental », le documentaire décrit des cercles concentriques autour des circonstances structurelles (l’arrivée du Super 8), sociales et économiques de sa naissance. De manière organisée, le montage fait se succéder en partie égales les témoignages : le logement, et les squats dans des immeubles décatis, l’ambiance si particulière qui régnait alors, mélange d’inquiétude et de spontanéité totale, les boites de nuit, les drogues (« meilleures à l’époque»)…

 


Debbie Harry, chanteuse de Blondie et actrice de Downtown 81.
 
Se succèdent à l’image icônes et actrices (Debbie Harry, Lydia Lunch), cinéastes (Amos Poe, Nick Zedd, Jim Jarmusch, Eric Mitchell), musiciens, galeristes ainsi qu’un bon nombre d’extraits de films de la période. Les anecdotes sont follement déjantées, mettant en valeur la débrouille et la déglingue d’artistes soumis à des conditions de vie et de travail rudes. La mention d’un ami mort du sida ou celle du batteur ayant mis le feu à un clochard laissent entendre l’extrême noirceur et la violence des années 80 qui couvent. Quelques anecdotes, profondément indiscrètes ou spectaculaires, sont marquantes, comme le grand blackout de 1977, quand la ville fut entièrement privée d’électricité, ou le changement de personnalité qui advint une fois que Jean-Michel Basquiat rencontra le succès.

Le mouvement croise le punk, la naissance de la culture Hip-Hop (Wild Style), l’art de Jean-Michel Basquiat (Downtown 81), rappelle que les films étaient visibles et ont peu à peu réuni autour d’eux un public, grâce au New cinéma, lieu emblématique ou pour 2$, on pouvait goùter à la déglingue visuelle d’un Richard Kern, qui à l’époque, « looked like a deviant Clark Kent » (ressemblait à un Clark Kent déviant, ndlr). Blank City a le mérite, en plus de donner envie de voir les films réalisés, d’être extrêmement documenté et pour les néophytes, de construire une histoire culturelle de la brève et intense période du cinéma de la transgression. Cela étant dit, la structure très classique du documentaire, à la fois extrémement dense et quand même très linéaire ne parvient pas à s’extraire dans la forme d’un documentaire télévisuel, en totale contradiction avec les tentatives visuelles et dramatiques des oeuvres en question.

 

Titre original : Blank City

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Durée : 94 mn


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