Bellflower

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Avec ce film indé de chez indé, un peu trop violent et foutraque, Evan Glodell en fait trop mais, justement, une fois calmées son ardeur et sa fougue juvénile, c’est sûr qu’il nous surprendra. Un nouveau Tarantino ?

Pour son premier long métrage vraiment indé, Evan Glodell également interprète du film, n’y va pas avec le dos de la cuillère. Même si on doit louer son courage, et son indépendance justement, lui qui est parvenu à réaliser ce film pour 17 000$ seulement (record battu depuis par Donoma de Djinn Carrenard réalisé avec juste 150€, ce dont on peut légitimement douter), on a quand même beaucoup de mal à supporter une violence souvent gratuite, une pluie de jurons (je n’ai pas eu le courage de compter les "fuck" et variantes linguistiques, mais ils sont au moins proches de la centaine) et un montage tendance à vous filer le tournis, flashbacks souvent incompréhensibles, alors que la postproduction aurait duré trois ans de l’aveu même du jeune réalisateur.

Pourtant, les acteurs, Evan Glodell en tête, sont excellents, le scénario pourrait être intéressant s’il avait choisi une réelle thématique, mais il y a trop de références explicites à un certain cinéma comme celui de Scorsese (on ne cesse de penser à Taxi Driver et à son célébrissime "You’re talking me") même si Evan Glodell déclare s’être plutôt inspiré des Mad Max qui ont bercé son enfance. Pas étonnant qu’après un tel nanan, il nous balance un skud plein de sang, de sueur et de larmes. Parti d’une expérience personnelle, celle d’une histoire d’amour malheureuse, il a construit son personnage et revu cent fois son scénario autour de deux copains qui s’aiment d’amour fou et qui, finalement, auraient dû passer à l’acte. Cela leur aurait peut-être changé les idées et empêché de sombrer dans le cataclysme.

En effet, Evan Glodell, sans le vouloir vraiment, fait de ses deux personnages masculins des anges de l’Apocalypse au volant d’une voiture customisée baptisée "Medusa". C’est vrai que comme projet existentiel, ça fait maigre. Heureusement que, dans le dossier de presse, le réalisateur nous informe qu’il n’a pas eu l’intention de faire une œuvre universelle. Ouf, on a eu peur : tous les jeunes Américains ne sont pas aussi déglingués que ses quatre ou cinq personnages qui se détruisent, baisent, se jalousent alors que les deux garçons, surtout l’un des deux, Ailden, sans doute le plus amoureux, passent leur temps à construire cette fameuse voiture qui allumera le feu partout, comme dans Mad Max ou plutôt à la manière d’un Johnny qui aurait perdu la boule…

 

Ce qui est intéressant dans le traitement du film c’est surtout la manière de rendre hommage aux muscle cars du cinéma américain. La liste est trop longue, mais citons parmi les plus célèbres celle de Bullitt, de Macadam à deux voies, de Duel, et du récent Boulevard de la Mort, etc. Juché sur sa moto qui le conduit à sa perte, ou au volant de la noire "Medusa" (souvenons-nous que, dans la mythologie grecque, on ne pouvait la contempler sans être pétrifié) avec son copain, il peut nous faire penser avec un peu d’imagination aux anges de la mort chers à Cocteau dans Orphée. Invention de machines, d’instruments à tuer, mais aussi invention du cinéma car Evan Glodell confie qu’il s’amuse depuis toujours à fabriquer des objets. Même la caméra Silicon Imaging S12K est trafiquée, équipée d’une autre optique, quasiment adaptée à la vision qu’il veut nous donner de cette petite communauté dans des paysages désolés et il y parvient.

Réalisé donc avec trois fois rien, dans des décors naturels ou des appartements d’amis, on pourrait simplement déplorer le scénario encore un peu trop faiblard qu’il ne suffit pas de parsemer d’images cauchemardesques ou de violence gratuite pour devenir le nouveau Tarantino. Mais il y a chez Evan Glodell une force qui, si elle est bien canalisée, finira par nous étonner.
 

Titre original : Bellflower

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Durée : 106 mn


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