Adieu Poulet (sortie combo blu-ray/dvd chez Rimini le 04/06/2024)

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« Verjeat ? Il est à Montpellier, Verjeat ! ».

A Rouen, pendant une campagne d’élections législatives, un colleur d’affiches, est abattu par les hommes de main d’un candidat. L’inspecteur Moitrié (Gérard Herold) est blessé en poursuivant les agresseurs. Avant de mourir, il confie au commissaire Verjeat (Lino Ventura) qu’il a reconnu un repris de justice, Portor (Claude Brosset), au service de Pierre Lardatte (Victor Lanoux, candidat du PRU, parti de droite). Avec l’aide du bouillant inspecteur Lefèvre (Patrick Dewaere), Verjeat cherche à prouver la culpabilité de Portor, mais Lardatte dispose d’appuis dans la police et dans le monde politique.

Les années 70 furent une époque riche en films où des cinéastes développèrent les thèmes de la corruption et des collusions entre le politique, le judiciaire, et le policier : Yves Boisset, Jean-Pierre Mocky, en devinrent les figures de proue entre autres pourfendeurs de la prévarication et des affaires rapidement closes. Par contre, il demeure étonnant qu’un réalisateur tel que Pierre Granier-Deferre s’engage dans une telle veine, alors qu’il nous avait plutôt habitués à de solides et parfois émouvantes adaptations de Simenon avec Gabin, Delon, Signoret, Trintignant, Schneider. Mais ce serait ignorer qu’il adapta dix ans avant Adieu Poulet un polar signé Boudard, La Métamorphose des cloportes. 

Réalisé en 1975, dans la foulée de l’insuccès de La Cage, huis-clos avec Ingrid Thulin et Lino Ventura, et sous l’impulsion de ce dernier, Adieu Poulet repose sur plusieurs valeurs sûres. La première consiste dans une mise en scène alternant scènes drolatiques et sérieuses, lieux publics et étroitement porteurs de menace, tensions et détentes. Granier-Deferre, noble raconteur d’histoires, s’appuie sur un scénario signé Francis Veber, scénariste habitué aux comédies policières de Lautner du début des années 70, retravaillant pour ce long-métrage un roman de Raf Vallet paru dans la fameuse « Série Noire. » Veber, deuxième qualité de ce film, y apporte et y développe sa touche personnelle via des répliques percutantes et une association de deux personnages complétement opposés, mais qui deviendront complémentaires et noueront même une amitié lors de l’enquête. Le scénariste, devenu ensuite réalisateur, exploitera ce filon du buddy movie avec Richard et Depardieu. Troisième qualité : la distribution. Lino Ventura se retrouve associé dans son enquête à Patrick Dewaere : un lion déterminé et un chien fou face à une hiérarchie policière dans laquelle le « pas de vague » domine (Julien Guiomar, Pierre Tornade); le milieu politique de cette France giscardienne, où des maîtres en dissimulation (Victor Lanoux) couvrent les crimes de la base, celles des colleurs d’affiches (Claude Brosset); sans omettre le Robespierre judiciaire de service (Claude Rich), ou la madame Claude entretenant des liens étroits avec les notables locaux (Françoise Brion). Michel Peyrelon, Michel Beaune, Jacques Rispal apportent également à leurs personnages leurs talents et leurs voix si particuliers. Une noble assemblée d’acteurs qui nous ont désormais quittés, et dons nous recherchons vainement et tristement désormais la descendance.

Fort de ces talents devant et derrière la caméra, appuyées par un scénario qualitatif, Adieu Poulet nous convie à un retour dans ce cinéma des années Giscard, un cinéma qui nous voyions le dimanche soir, où le réalisme des affaires et autres turpitudes politico-policières  rejoignait la comédie variée (la scène dans l’hôpital avec Dominique Zardi est inoubliable). Une réussite alchimique. Au fait, où se trouve maintenant Verjeat ?  « Verjeat ? Il est à Montpellier, Verjeat ! ».

 

ADIEU POULET – COMBO  1 UHD 4K + 1 BLU-RAY sorti chez Rimini le 04/06/2024.

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Durée : 92 mn


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