A casa nostra

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Milan, capital des banques, des richesses financières et de la Bourse. Ce choix n´est pas anodin. >, comme le dit Francesca Comencini, cette ville italienne devient la métaphore de nos rapports à l´argent. Chacun veut être transparent mais personne ne peut s´en passer. Tout au long du film, on suit les pérégrinations d´une ribambelle de […]

Milan, capital des banques, des richesses financières et de la Bourse. Ce choix n´est pas anodin. << Invisible, silencieuse et mystérieuse dans le fond >>, comme le dit Francesca Comencini, cette ville italienne devient la métaphore de nos rapports à l´argent. Chacun veut être transparent mais personne ne peut s´en passer. Tout au long du film, on suit les pérégrinations d´une ribambelle de personnages, tous obsédés par l´argent. Ugo, l´homme d´affaire, le récolte à la pelle ; Rita, la capitaine de la brigade financière, le surveille ; Laura, le mannequin-maîtresse de Ugo, l´exhibe ; Gerry en perd la tête.

Le surprenant réalisme et la finesse d´observation proposée nous font entrer dans le film avec un goût amer. Les situations qui s´enchaînent et les personnages dont on croise le chemin à la façon d´un film choral, sont universels. La réalisatrice touche à une question quotidienne. Aujourd´hui, personne ne peut nier la place centrale de l´argent dans nos vies. Difficile de vivre sans qu´il soit abondance ou absence. La réalisatrice choisit toutefois d´en exposer le mauvais côté. Il avilit l´homme qui continue pourtant à croire en l´humanité, preuve de la volonté d´oubli et de désinvolture à son égard. Est-ce une raison suffisante pour en faire la cause première des maux de la société ? Cette hypothèse, pourtant brillamment justifiée par ces personnages, n´est-elle pas un raccourci simpliste ? Ce motif surgit partout : la prostitution, les magouilles, les déambulations chez les impôts, les disputes conjugales, l´amour déçu, la drogue. Tout y passe ! Mais qui veut y croire ? Personne. Tous les personnages ferment les yeux à l´exception de Rita (Valéria Golino), qui s´érige en arbitre. Le plus désagréable est sans doute cette facilité à croire en la rédemption et la flexibilité de l´homme. Cela nous ramène très proche de nous. Le film est d´une réalité à glacer le sang.

Sa trame scénaristique exposée, Comencini peut alors lancer le grand débat : quelle est la valeur de la vie dans de telles conditions ? Grâce aux personnages, les questions fusent et la peur de se reconnaître dans un des vices finit par devenir inévitable. L´argent est devenu le seul repère. Malgré le fait qu´il soit instable et qu´il déséquilibre l´homme, il reste le moteur des actions humaines. Contradiction parfaitement exprimée grâce au personnage de la prostituée qui continue chaque soir son travail alors qu´elle se met en danger. Pourquoi courir après ? Pourquoi favoriser la quête de gain plutôt que la quête de savoir et d´amour ? On peut observer qu´au fil du temps, la société a changé et les valeurs humaines ont disparu. L´atout de ce film est peut être qu´il soit militant. Comprenez : << Stoppez cette situation avant qu´il ne soit trop tard >>.

Selon les scènes du film, on pourra reprocher les raccourcis peu subtils, voire des clichés simplifiant le dénouement, et des personnages stéréotypés. Mais n´est-ce pas justement le point le principe du film ? N´est-ce pas seulement nous qui voyons des clichés et qui occultons la réalité ? Voulons-nous vraiment voir cette réalité ? Un des cliché est celui-ci : l´ex-prisonnier, condamné pour avoir étranglé une femme, est fortement soupçonné du meurtre d´une prostituée, qui plus est dont il était amoureux. Bien sûr, cet ex-méchant est en fait devenu un gros nounours adorable à la recherche d´un amour sain. Autre cliché, mais cette fois-ci avec un peu de sens : le couple fortuné a perdu un enfant. Ce passage renvoi à l´affirmation connue de tous : l´argent ne fait pas le bonheur. Cependant, les messages sont multiples et le plus subtil apparaît dans la quasi phrase finale dite par Rita : << Vous croyez pouvoir toujours faire ce que vous voulez, mais ce pays est aussi le nôtre >>. L´argent, à l´image de la réalisation, circule, tourne de mains en mains et finalement n´est propriétaire de personne. Et c´est de lui que naissent les différences sociales et les exclusions. Le raccourci, d´emblée facile, devient véridique. Un brutal retour à la réalité se ressent. Le spectateur oscille entre bons sentiments et dégoûts, entre honnêteté et mauvaise foi.

A casa nostra n´est en rien révolutionnaire du côté de la réalisation. Il se plie au très en vogue courant du film choral. Sur un sujet maintes fois traité (récemment, côté français, dans Le Coût de la vie), la réalisatrice parvient à faire réfléchir le spectateur et surtout à lui ouvrir les yeux. Dans une Italie dont les magouilles financières vont bon train et où la transparence face à l´argent est absente, on comprend la réticence des producteurs à financer A casa Nostra. La réalisatrice a disséqué nos attitudes pour tout simplement rappeler qu´il faudrait se tourner vers autre chose que l´argent pour vivre. Mais est-ce vraiment possible ?

Titre original : A casa nostra

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Durée : 99 mn


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