20 000 jours sur terre

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Nick Cave, rêve de cinéma.

L’entretien psychanalytique, cette opportunité d’accoucher de soi-même une nouvelle fois, est peu prisée du grand écran. Qui plus est, un face-à-face aussi impudique ne saurait convenir à la l’objectivité documentaire. Nick Cave, aux commandes de cet ovni qu’est 20,000 days on Earth, ne se refuse même pas, d’entrée de film, le jeu du décryptage de soi. Face à un psy imaginaire, il confie certains épisodes fondateurs de l’homme qu’il est devenu ou racontent les prémisses d’obsessions artistiques que les fans savoureront illico.

Le premier talent du film tient justement à ce que les néophytes, ceux qui ne connaissant de l’artiste que le tube avec Kylie Minogue ("Where the Wild Roses Grow") auront l’opportunité de rencontrer un artiste. Originalement embauchés pour documenter l’enregistrement de son dernier album Push the Sky Away, en 2013, Iain Forsyth et Jane Pollard ont réalisé, sous l’impulsion de Cave lui-même, une œuvre bien plus conséquente. Censée se concentrer sur une journée de la vie du chanteur, le film est en réalité une sorte d’agrégation onirique de toutes les pulsions mentales de l’Australien. Par des moyens a priori plutôt casse-gueules, les discussions avec le psy donc, mais aussi la re-création des archives de Nick Cave, bureau comme tant d’autres où officient des employés chargés de gérer les fonds de l’artiste, l’homme se balade en son for intérieur, piochant là une anecdote, regardant ici une photo, se saisissant d’un motif de ses chansons pour en faire cadeau à  qui veut bien l’entendre.

 

Doté d’un scénario aussi complexe qu’invisible, 20,000 days on Earth joue à la fois sur la familiarité de ce qui est filmé – Nick va au studio d’enregistrement, Nick dîne avec son collaborateur de toujours, Nick parle de la météo – mais aussi de l’élégance des dialogues et de la voix off, à nouveau des créations de l’artiste.
Le trivial se pare de merveilleux, comme lorsque à plusieurs reprises, l’homme conduit des amis de longue date ; installés à l’arrière (Kylie Minogue la star), où sur le siège passager (Ray Winstone) de sa voiture, ils conversent nonchalamment, roulant dans les rues de Brigton, comme des fantômes du passé, apparitions nébuleuses dont on ne sait pas bien si elles ne figurent pas des discussions mentales entre Nick et lui-même. La présence de Kylie et le motif du chauffeur évoquent immanquablement Holy Motors que Cave à du apprécier, tant le film a de points communs avec celui de Léos Carax.

Evidemment, si le film est bavard – mais ô combien ces bavardages sont passionnants – élégant et littéraire dans son écriture, il n’en demeure pas moins un film musical. Les scènes d’enregistrement de l’album en studio sont tout simplement les plus folles qu’on ait vues depuis longtemps, jouant de complicités artistiques de plus de 20 ans avec les musiciens du Bad Seeds et un savoir-faire que l’on retrouve sur scène, lors d’un concert donné pour le pool des fans de toujours. Ainsi d’autres facettes d’éclairent avec une anecdote sur Nina Simone lors des performances sur scène. L’homme de mille mots devient alors le show-man électrique, immense performer dont les facettes se superposent et s’annulent dans un montage final syncopé, qui donnent un tout nouveau sens au documentaire musical.

 

Titre original : 20,000 Days On Earth

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Durée : 97 mn


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