Premier long-métrage de Delphine et Muriel Coulin, 17 filles s’inspire d’un fait divers américain où plusieurs adolescentes révèlèrent simultanément à leurs parents et leurs professeurs qu’elles étaient enceintes. L’histoire se déroule ici à Lorient, ville d’origine des réalisatrices. La mer est omniprésente, bruyante jusqu’à accompagner les adolescentes dans leur quotidien. Elles sont lycéennes, naturelles, unies. Mais hormis les cours, rien ne comble leur existence. Les soirées sur la plage où les premiers baisers sont échangés leur permettent à peine de s’évader. Pour contrer ce destin tout tracé et surtout suivre la chef de la bande, elles tombent tour à tour enceinte.
Plus de 600 filles ont passé le casting. Au final, elles sont 17 a avoir charmé les réalisatrices. Dans le rôle principal, Louise Grinberg, découverte en 2008 dans Entre les murs ; à ses côtés, Roxane Duran, la jeune rousse troublante du Ruban Blanc, mais aussi Esther Garrel – sœur et fille de –, à peine sortie de L’Apollonide. Très liées, les filles jouent bien plus qu’un rôle : amies dans la vie et devant la caméra, leur complicité se ressent à chaque plan, par le biais de la précision avec laquelle les dialogues sont écrits, leur jeu sincère, où transpire l’ « état d’esprit adolescent » (se soutenir, tout donner au moment présent, être solidaire et souvent inconscient).
Paysage adolescent
Jean-Louis Vialard, directeur de la photographie, donne une belle image de la Bretagne et plus particulièrement de Lorient, ville détruite pendant la guerre. Après avoir travaillé avec Apichatpong Weerasethakul et Christophe Honoré, il offre à ce projet une lumière naturelle puis saccadée, reprenant le rythme de l’histoire racontée, arrivant à installer à la fois l’atmosphère d’un conte et une densité documentaire. Se rejoignent ainsi les parcours respectifs des deux cinéastes (Delphine Coulin étant romancière et Muriel Coulin réalisatrice de documentaires).
Faire frémir les parents – et les féministes ?
Le sujet de 17 filles est très sensible. Lors du fait divers aux États-Unis, plusieurs parents se sont rebellés en accusant le cinéma, des films comme Juno ou En cloque, mode d’emploi étant jugés responsables du désir d’adolescentes d’avoir un enfant. Pour les deux réalisatrices, les adolescentes se rebellent en tombant enceinte : pour la première fois, elles prendraient leur avenir en main en devenant mères. Face à un destin triste et tout tracé, elles préfèrent ainsi signer pour une vie de mère, une vie qu’elles ont choisie. Le film est très bien écrit, chaque réaction parentale, de la colère et le rejet à la compréhension restant très crédible. Placée du côté des filles, la caméra montre, explique cet élan de presque liberté et de peur. Mais à aucun moment les réalisatrices ne justifient ou amoindrissent les conséquences d’un tel acte : chacun est invité à se faire son propre avis sur la situation.