Pat Garrett traque Billy le Kid dans ce qui ressemble à une dernière danse. Ressortie en version restaurée.
Quand arrive le crépuscule la moindre petite lumière paraît briller plus qu’elle ne le devrait. Pat Garrett (James Coburn) se lance aux trousses de son ami et ancien collègue Billy le Kid (Kris Kristofferson) avec pour mission de le descendre. La traque dure des semaines mais c’est comme si elle commençait juste avant que le soleil ne se couche pour se terminer avant la fin de la nuit. Pat Garrett retarde volontairement l’échéance, laisse s’échapper Billy, attend que tout ça passe. Il prend son temps pour se rappeler, pour se payer le luxe d’être mélancolique mais aussi pour tenter d’oublier ce qu’on lui ordonne de faire : tuer son ami et renier avec cette mort ce qu’il a été lui-même jadis. S’il attend suffisamment peut-être que rien de tout ça ne se passera. Pat Garrett et Billy le Kid (1973) commence par la fin. On y apprend la mort de Billy et on y voit celle de Pat, criblé de balles, tué par les traîtres. Dans le crépuscule du film de Sam Peckinpah vit un deuil qu’il va falloir apprendre à accepter avant même que la mort n’advienne. Pour répandre définitivement les cendres du western tout autour, il faut commencer par tuer ses figures mythologiques et tuer, Sam Peckinpah sait le faire. Les cadavres s’accumulent, flingués dans le dos ou alors qu’ils ne tenaient aucune arme. On n’a que faire ici de l’honneur, du courage ou d’une quelconque stature chevaleresque. À des lieues de l’allure fière des figures gravées dans la pierre d’Il était une fois dans l’Ouest (1968), ici les hommes rampent. Ils sont plus près de la terre poussiéreuse que du ciel que leur chante Alias (Bob Dylan). On tue pour qu’il ne reste plus rien ni personne quand le soleil se relèvera. De l’ambiance cotonneuse de Pat Garrett et Billy le Kid nous arrive l’écho d’une berceuse sans cesse contrariée. On tue pour ne pas mourir. On baise pour ne pas dormir. Pat Garrett dans un dernier souffle tue son ami et en profite pour tirer sur le miroir qui lui renvoyait son propre reflet. Un dernier regard, un dernier souffle et il s’enfuit loin de tout ça. Il est pour quelques instants encore vivant. Le jour s’est levé mais le crépuscule reste.
« It’s gettin’ dark, too dark to see (…)» Bob Dylan – "Knockin’ on Heaven’s Door"