
Un film dispersé qui reste en surface
Hélas, l’œuvre est trouée de partout, comme un casier à poissons défectueux, elle lance des pistes dans plusieurs directions sans les approfondir : le départ inaugural du Calypso, l’entrée en scène du fils des Cousteau devenu adulte, Philippe, apprenti cinéaste (quelques brèves séquences rapidement passées à la trappe du film Le Monde du silence – 1956 – de son père et Louis Malle), le développement des créations documentaires de l’explorateur comme moyen de faire connaître ses projets (son voyage à New York), sa renommée ; jusqu’au message écolo final du cinéaste lui-même venant clore L’Odyssée alors que sa mise en scène a plutôt éludé tout du long la question environnementale, pourtant légitime vis-à-vis du sujet que le film aborde. Autant d’éléments disparates sollicités de manière superficielle, le souci d’ampleur de Jérôme Salle échouant face à une succession de scènes à l’échelle d’une vie aussitôt balayées par les suivantes. À l’instar de la musique, pourtant assez professionnelle, d’Alexandre Desplat, qui se fait entendre de manière très surlignée à chaque plan d’animal marin, le sens potentiellement produit par l’image se trouve désamorçé par un manque de vision, d’exigences scénaristiques et esthétiques. De cette entreprise aux oripeaux de film publicitaire ne subsiste que la performance de Lambert Wilson, décalquant progressivement un Jacques-Yves Cousteau égocentrique et antipathique.

Le personnage dissonant de Jacques-Yves Cousteau
Entremêlée à une inflexibilité et une persistance communicative, la séduction du personnage de l’explorateur s’engouffre au fur et à mesure dans une ambivalence plus troublante, dépeignant par petites touches – là encore plus ou moins approfondies par le cinéaste –, subtilement rendues par Lambert Wilson, la personnalité autocentrée, et parfois aussi sèche que ses traits taillés à la serpe, de cet être malin. Antipathie mise au jour de façon presque antithétique face à l’artificialité de la mise en scène et révélée encore davantage à travers le fils de Jacques-Yves Cousteau, Philippe, sorte de double refoulé du père (qui focalisera sur l’aviation, domaine dans lequel son patriarche avait échoué plus jeune), aussi brillant et un tantinet impudent que celui-ci. C’est peut-être d’ailleurs du fait de cet écho, rappel de la personnalité du père par le fils, qu’une place particulière est accordée à Philippe, au point de débuter le film sur lui. De cette bascule, véritable cœur du long métrage, amorcée sur l’identité relationnelle de l’explorateur, abîmant sans vergogne toute sa famille sur son passage, restent quelques saillies insidieuses qui viennent contrarier l’aspect lisse de l’œuvre ; cette désobligeance et cet écrasement humains qui sont parfois une caractéristique de tels êtres aventureux et visionnaires ogresques.