Les feuilles mortes

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L’approche de la guerre à la manière d’Aki Kaurismäki…

En souvenir de la chanson

On attend toujours le dernier film de Kaurismäki avec une certaine impatience et, avec ce dix-septième opus, on n’est pas déçu, loin de là. Les feuilles mortes – de la célèbre chanson de Prévert et Kosma qu’on entend à la fin – s’est vu récompensé par le Prix du Jury à Cannes cette année. Ce dernier film distille, toujours avec cette manière décalée et élégante, une douce mélancolie, teintée d’humour pour dire le mal de vivre des humains. Quant à la note d’intention, elle est tout aussi décalée, humoristique et d’une tristesse infinie comme notre monde qui, indéniablement, part à vau l’eau. « Même si j’ai acquis aujourd’hui une notoriété douteuse grâce à des films plutôt violents et inutiles, mon angoisse face à des guerres vaines et criminelles m’a enfin conduit à écrire une histoire sur ce qui pourrait offrir un avenir à l’humanité : le désir d’amour, la solidarité, le respect et l’espoir en l’autre, en la nature et dans tout ce qui est vivant ou mort et qui le mérite. Je tire au passage mon trop petit chapeau à Bresson, Ozu et Chaplin, mes divinités domestiques. Je suis cependant le seul responsable de cet échec catastrophique. » 

 

 

 

 

 

 

Humour et mélancolie

On le sait, Aki Kaurismäki bien qu’engagé politiquement et socialement, fait preuve de beaucoup d’humour et de provocation dans ses films. Ici, c’est le quotidien de quatre amis tristes qui promènent leur ennui et leur désespoir de bar en bar, chantant dans des karaoké improbables pour trouver l’amour ou l’âme sœur, en vain souvent, désillusionnés parfois, mais le plus souvent pleins d’un espoir enfoui sous des tonnes de malheurs comme s’ils étaient enfermés dans des vies et un pays à bout de souffle. Cependant, les couleurs et les images semblent vouloir dire le contraire, malgré les clairs-obscurs et les mobiliers de guingois. Timo Salminen, Ville Grönroos et Tiina Kaukanen, respectivement à l’image, aux décors et aux costumes et Olli Varja à la lumière, s’en sont donné à coeur pour parvenir à recréer un univers punk et désenchanté cher au réalisateur, qui rivalise ici d’audace et de désespoir à l’instar de trois précédents films, tels que L’homme sans passé, Le Havre ou encore Au loin s’en vont les nuages. Et, encore une fois, le film est très musical avec des passages chantés diégétiquement puisque les scènes se déroulent souvent des des cafés chantants et elle est due à Pietu Korhonen. La Finlande qui partage des kilomètres de frontière avec la Russie, est aux yeux du réalisateur un pays oublié des dieux où les gens semblent attristés par l’attente d’une guerre qui, désormais, se profile mais que Kaurismäki traite avec un humour froid et intense qui fait contraste avec la dureté du propos. Comme c’est toujours un peu le même scénario, on n’est pas étonné par tout qu’il arrive aux protagonistes partagés entre la recherche éperdue de l’amour, l’alcoolisme et les chansons involontairement punks et leur musique entraînante. En bref, un très beau film, court ce qui ne gâche rien, concis et peu bavard qui, paradoxalement, donne une furieuse envie de vivre, comme ce petit chien qu’on découvre dans tous les plans de la dernière partie du film.

Titre original : Kuolleet lehdet

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Durée : 81 mn


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