Le Grand appartement

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Soit le film plait, soit il déroute. Soit l´on accroche, soit l´on s´ennuie. Soit il parait audacieux, soit il parait grotesque. Dans sa dernière comédie intitulée Le grand appartement, Pascal Thomas, le réalisateur de La Dilettante (1999) et dernièrement de Mon petit doigt m´a dit (2005), joue en effet dans un registre dont les frontières, […]

Soit le film plait, soit il déroute. Soit l´on accroche, soit l´on s´ennuie. Soit il parait audacieux, soit il parait grotesque. Dans sa dernière comédie intitulée Le grand appartement, Pascal Thomas, le réalisateur de La Dilettante (1999) et dernièrement de Mon petit doigt m´a dit (2005), joue en effet dans un registre dont les frontières, poreuses, vacillent constamment entre grotesque et parfaite subtilité. Comédie originale à l´humour décalé, c´est le risque encouru par ce film à la tonalité définitivement originale.

L´histoire en revanche, emmenée de façon plus conventionnelle, déroge à cet aspect tranché. Profitant de la loi de 1948 qui interdit à tout propriétaire immobilier de suivre l´inflation du marché afin d´augmenter un loyer, une famille au sens large du terme (parents, enfant, soeur, grand-mère, amis, amis d´amis, petites amies…) profite joyeusement de la situation pour vivre dans un 320 mètres carrés en plein coeur de Paris. Seulement voilà, toute cette joyeuse bande est fauchée comme les blés et les propriétaires sont sur le point d´avoir gain de cause dans un procès qu´ils ont engagé à leur encontre. Voici donc pour le fil conducteur d´un récit qui se décompose en une série d´intrigues et de situations loufoques et extravagantes, à la fois toutes reliées les unes aux autres et toutes pouvant très bien s´articuler de façon autonome.

Mais si le film tire une large part de son originalité à ces dites situations, il la doit également à ses personnages. Au-delà de l´élégante alchimie trouvée pour faire cohabiter les caractères très différents de chacun, ces derniers affichent au passage une particularité commune amusante. Bien qu´attachants, ils sont chacun l´être inverse ou raté de celui qui l´interprète. Contre emploi absolu de ce que les acteurs du film sont dans la vie réelle, leurs personnages à l´écran deviennent ainsi accessibles, communs, invitant le spectateur à croire que ceux qu´il voit pourraient très bien faire partis de ses propres amis.

Ainsi Laetitia Casta devient une femme dont l´apparence est le dernier des soucis, Mathieu Amalric n´a nullement l´envergure de l´intellectuel classieux qu´il cherche à incarner, Pierre Arditi est un cinéaste raté, ou encore Pierre Lescure, l´ancien patron de Canal +, et qui se retrouve ici tenancier d´un bar qu´il peine à faire tourner. Et comme pour jouer plus encore sur l´ambiguïté de cette correspondance entre l´être vrai, le comédien, et l´être joué, le personnage, Pascal Thomas use d´un procédé rare au cinéma, bien qu´ancien (Godard l´utilisait déjà dans À bout de souffle) : le regard caméra.
Durant certaines scènes en effet, les personnages se plaisent à regarder le spectateur droit dans les yeux pour lui faire part de ses commentaires, de ses pensées ou de son avis à haute voix. Oublié son rôle passif habituel, le spectateur se sent ainsi participer à l´histoire. Surprenant, presque dérangeant au début, ce procédé est à l´image de ce film qui ne joue pas de compromis pour séduire le spectateur. C´est en tous cas ce qu´il transparaît à première vue, car les dialogues, savoureux à souhaits, mention spéciale pour ceux de Pierre Arditi qu´il transcende par un jeu d´acteur parfaitement exquis, savent faire usage de leurs charmes pour arracher, au minimum, un sourire aux plus insatisfaits des spectateurs.

Souffrant d´un démarrage qui peut sembler maladroit, sinon laborieux, ou bien est-ce le temps dont le spectateur a besoin pour qu´il pénètre dans l´univers particulier de Pascal Thomas, Le grand appartement réjouit ensuite par la facilité qu´il a de nous faire partager les inquiétudes, joies et peines de chacun au coeur de cette tourmente immobilière. Proche de ces personnages à tel point que l´on se sentirait soi-même habiter avec eux à la fin du film, le spectateur partage ainsi le sort malheureux dont ils sont victimes et comme lui, nous espérons tous que la procédure d´exclusion engagée par les propriétaires de ce grand appartement n´aboutisse pas.

Titre original : Le Grand appartement

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Durée : 103 mn


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