Le Cri

Article écrit par

Dernier avatar néoréaliste.

Oeuvre néo-réaliste intériorisée de transition, Le cri contient en germe toute la problématique du cinéma d’Antonioni à son plus sombre degré d’expression. Le cadre environnemental est cette vallée du Pô et ce fleuve récurrent qui charrie avec lui une incommensurable désolation et des paysages mornes à l’envi.

En 1943, Antonioni fait ses premières armes avec un court métrage remarqué qu’il achèvera de monter en 1947 du moins pour la partie du film miraculeusement sauvegardée (9mn sur 30mn): Gente del Po, ces gens de peu, essentiellement des pêcheurs, vivant dans le sillage du fleuve matriciel irriguant la vallée et nourrissant ses riverains industrieux.

 

Une existence dans l’ornière

Le réalisateur connaît intimement cette région austère qui l’a vu naître. Il brosse le portrait existentiel d’un ouvrier d’une raffinerie de sucre, Aldo (Steve Cochran) dont la vie n’est que vagabondages et itinérances chaotiques du jour où sa femme Irma (Alida Valli), lui annonce tout de go faire sa vie avec un autre homme.

Étayée par une évocation poétique du Pô et de sa vallée, la trajectoire auto-destructrice du protagoniste est renvoyée par cet environnement nimbé de désolation latente. La femme est le dernier bastion auquel il s’accroche avec toute sa désespérance. Mais l’échappatoire nomade n’est qu’une éternelle fuite en avant qui le ramènera à son point de départ dans un final poignant.

 

 

Désocialisation

Rompu aux rôles tragiques uni-dimensionnels dans les films noirs de série B, Steve Cochran est bouleversant dans ce rôle taillé sur mesure de prolétaire borné, en rupture de société, foutument incapable de s’adapter à la modernité d’un monde en mutation qui empiète sur ses prérogatives. Désormais parent solitaire ayant perdu son statut de salarié, il bat désespérément la campagne, flanqué de sa fille Rosina devenue un poids mort pour lui.

Comme il approfondira dans Le désert rouge, Antonioni capture ici la texture de ces paysages embrumés et désolés qui reflètent la désocialisation d’Aldo. Prisonnier d’une routine infernale, ce dernier renoue à sens unique et en désespoir de cause avec Elvia (Betsy Blair), son ancien béguin, tout en multipliant les rencontres féminines de circonstance pour meubler son errance. Le fil rouge de tous ces personnages disruptifs est qu’ils se retrouvent avec leurs meilleurs jours et la fleur de l’âge derrière eux et face à leur aliénation.

Titre original : il grido

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Pays :


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.