Assis sur un transat d’une terrasse surplombant la mer, un homme éteint sa dernière cigarette et s’écroule, dans une acceptation ironique de son sort « tant pis ». Ses derniers mots annoncent la couleur d’une histoire cousue de récits multiples, attirés comme des aimants vers un noyau central, l’île, sorte de socle immuable qui voit déferler sur lui les vagues imprévisibles.
En une succession de plans efficaces à l’architecture économe, on se retrouve comme un rien projetés dans une histoire familiale ; celle d’un père vieillissant se faisant écho à l’île – son accident vasculaire ne lui garantit plus qu’une présence physique – attirant dans la même impuissance, des destins différents; ceux de ses voisins et amis, un couple âgé morfondu dans un appartement devenu trop cher, et ceux de ses trois enfants, Armand, qui a repris le restaurant de son père, Joseph venu avec Bérangère (sa fiancée) et Angèle, revenue pour le partage des biens après vingt ans d’absence.
Passé, présent et futur se frottent aux mêmes questionnements du temps qui coule, et à cette île dont les pierres enregistrent le passage des vagues. Celles qui s’y déferlent, amènent dans leurs flots les gens du nouveau monde, cette génération du présent où les inégalités se creusent : riches acheteurs en bateau à moteur, et réfugiés rescapés d’un naufrage.
On pense au fleuve de Renoir, celui qui fait venir le capitaine John chez Harriet, l’anglaise exilée aux Indes. Il y a cette même allégorie poétique de la vie qui s’écoule. Et si Guediguian, sans amertume, fait jouer des notes plus sombres dans la dualité des anciens (remplis des rêves d’enfance) et des trentenaires (Bérangère et le jeune médecin pris tout deux dans le piège du gain), il répare la fissure avec les enfants réfugiés, qui mêlent à la fin du film, l’écho de leur voix à celui des anciens. Un apaisement se cristallise alors, l’espoir résidant dans cette nouvelle époque, à sa venue, pendant que la gente armée lutte avec un acharnement vain contre les invasions.