Je l’aimais

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Pour sa troisième et dernière réalisation, Zabou Breitman retrouve un thème dont elle s´est fait une spécialité : les amours contrariées. Après la maladie dans Se souvenir des belles choses, les préjugés dans L´homme de sa vie, elle s´attaque avec Je l´aimais à une passion sacrifiée sur l´autel du devoir. L´histoire d´amour est flamboyante et servie par le bouleversant couple formé par Marie-Josée Croze et Daniel Auteuil.

Que dire à sa belle-fille quand votre fils la quitte ? Lui expliquer que c’est plutôt une chance en lui racontant votre propre histoire : celle d’un homme marié qui rencontre son âme sœur lors d’un voyage d’affaires. Je l’aimais est le récit de ce face-à-face inattendu entre deux personnes que rien ne portait vers de tels épanchements. Pierre, alias Daniel Auteuil, est le beau-père. Chloé est la belle-fille incarnée par Florence Loiret Caille que l’on a notamment aperçue dans Parlez-moi de la pluie (le dernier film d’Agnes Jaoui). Le présent et le passé se mêlent pour faire écho au vide que laisse un amour perdu. Celui de Pierre s’appelle Mathilde, sublimée par une Marie-Josée Croze dont le charme va crescendo au gré de ses apparitions cinématographiques.

Je l’aimais, adapté du livre éponyme d’Anna Gavalda (la deuxième adaptation au cinéma pour l’auteure après Ensemble, c’est tout de Claude Berri), est le portrait d’un homme et d’une passion. Zabou Breitman navigue entre aujourd’hui et hier pour en dévoiler les lumières et les ombres. Le premier temps est terne, il est le lieu des regrets et de la douleur, à l’image de l’état d’esprit de Chloé qui se remet difficilement du départ de son compagnon ou de Pierre qui se rappelle de tous les compromis imposés à l’amour de sa vie. La lumière a déserté le coin de campagne où Chloé a trouvé refuge avec ses deux filles et son beau-père. A l’opposé, les souvenirs de Pierre et de sa relation amoureuse avec Mathilde sont éclaboussés par les couleurs dont l’amour peut gratifier une vie. Cette dualité renforce et fragilise à la fois l’intrigue : point fort parce qu’il met en valeur la relation passionnelle entre Mathilde et Pierre, mais faiblesse parce que l’intérêt pour la fiction devient alors discontinu. Les flashbacks où le duo Croze-Auteuil fonctionne à merveille sont attendus avec impatience et rendent insipide le second huis-clos alors que toute la substance du film se trouve dans le parallèle entre les deux situations. Cependant, l’intensité de la relation amoureuse que vivent Mathilde et Pierre prend le pas sur ce petit désagrément. Deux scènes, entre autres, pour en témoigner. Celle où Pierre rentre précipitamment du travail et se dirige vers sa chambre sous le regard inquiet de sa fille. Il restera alité pendant plusieurs jours, frappé par un mal mystérieux pour ses proches, mais dont il partage le secret avec le spectateur : « LA » maladie d’amour. Tout aussi émouvante, cette autre scène où Mathilde, l’air de rien, souligne le caractère précieux de leur relation. Le sous-entendu vaut également pour sa précarité.

Vingt ans après, l’introspection à laquelle se livre Pierre, devant Chloé, est douloureuse. Le chef d’entreprise qui décide tous les jours de la stratégie à adopter pour faire prospérer son entreprise à l’étranger, ou il a rencontré Mathilde l’interprète et où il a continué à la revoir, s’est montré incapable de trancher dans sa vie amoureuse. Renoncer à l’amour, voire à la vie, pour l’amour de ceux qui vous aiment – femme et enfants – peut laisser des séquelles dont une vie ne suffirait pas pour s’en remettre. Le héros de Je l’aimais en fait la terrible expérience sous nos yeux émus et éblouis par cette merveilleuse romance portée par des acteurs exceptionnels. Comme dans Romuald et Juliette de Coline Serreau, Daniel Auteuil endosse à nouveau le costume (très seyant d’ailleurs) d’un patron amoureux. Le registre est plus dramatique mais la composition, subtil mélange de lâcheté et de sincérité, est tout aussi touchante. Auteuil, Croze et une affection pour les histoires d’amour qui finissent mal, autant dire trois bonnes raisons de voir Je l’aimais.

Titre original : Je l'aimais

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Durée : 112 mn


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