Le genre super héroïque semble bien installé pour un moment dans le paysage cinématographique contemporain. Et ce n’est pas une bonne nouvelle…
Si on excepte les réussites isolées et réellement marquantes du Superman de Richard Donner et des Batman de Tim Burton, le film de super-héros est un genre plutôt neuf qui ne s’est imposé que depuis une dizaine d’années. Le départ de cette vague vient sans du Blade de Stephen Norrington et du premier X-Men de Bryan Singer. Les deux films réussissaient à donner une esthétique crédible à cet univers comics grâce aux nouvelles possibilités offertes par les effets numériques mais surtout par une approche vraiment pensée de ses réalisateurs. Le succès commercial de ces deux grandes réussites permirent de lancer progressivement d’autres productions sur des personnages plus populaires comme les Spider-Man de Sam Raimi dont les deux premiers épisodes sont sans doute les grandes réussites du genre. Raimi y instaure une formule (qu’il a lui-même emprunté au Superman de Donner) qui fera école : un trauma originel qui définit la nature héroïque de son personnage principal, qui devra apprendre à assumer son autre identité qu’il endosse généralement à mi-film.
Cette approche propre (mais pas systématique) aux comics se propage désormais dans tous les films de super-héros alors qu’on pouvait trouver des approches plus audacieuses au départ, même dans les ratages comme le déroutant et psychanalytique Hulk d’Ang Lee. On peut donc désormais diviser le genre en deux catégories : les films portés par un auteur qui transcendent et/ou détournent les contraintes (les Batman de Nolan) et ceux qui déroulent la formule précitée. La réussite n’est d’ailleurs pas forcément là où l’on croit (les très formatées productions Marvel récentes où le réalisateur n’est qu’un exécutant sont très efficaces dans leur ton humble et respectueux, quand le plus personnel Superman Returns de Singer s’avère raté et ennuyeux) mais le constat est le suivant : le film de super héros est désormais un genre codifié et installé qui ne surprend plus que rarement (le Watchmen de Snyder, Kick-Ass…).
On en vient donc à ce Green Lantern dont les défauts sont assez symptomatiques des évolutions du genre. Le film n’a ni l’efficacité des productions formatées Marvel et ne se démarque d’aucune façon du tout-venant aperçu ces dernières années. A l’inverse, il cumule tous les défauts des deux options possibles. Martin Campbell, habile faiseur, capable de très bien faire avec un matériau solide (Le Masque de Zorro, Casino Royale) s’empêtre dans un scénario fidèle aux comics mais terriblement déséquilibré.
Green Lantern
a pour originalité de verser dans le space opera, son héros bien humain étant amené à vivre des aventures intergalactiques en intégrant une guilde de justiciers faisant régner la paix aux quatre coins de l’univers. Pourtant le film, forcé d’entrer dans un moule formaté, se trouve en totale contradiction puisqu’il se déroule en grande majorité sur terre. L’intrigue est donc des plus laborieuses en imposant une formule inappropriée à l’œuvre adaptée et terriblement routinière. On aura donc bien droit à notre trauma totalement artificiel (Ryan Reynolds marqué par la disparition de son père), la longue heure consacrée à la découverte de ses pouvoirs et la conclusion spectaculaire où il devient héros. Dans le premier Batman de Burton, le héros entre en action dès les premières secondes sans qu’on ait besoin de s’appesantir en longues explications, de même que Blade (ou le premier X-Men), les deux films laissant un voile flou autour de leurs personnages qui s’estompait au fil de l’intrigue et de leurs actions. Mais aujourd’hui, il semble que le sur-explicatif et la « psychologie » aient pris le pas sur la fantaisie et le mystère. Dans un autre genre, James Bond en a récemment douloureusement fait les frais.
Ryan Reynolds est un peu plus convaincant que dans ses précédentes incursions super-héroïques catastrophiques (Wolverine et Blade 3, de sinistres mémoires) mais manque toujours autant de charisme. Avec un univers aussi bariolé, l’esthétique du film (fidèle aux comics mais ça ne suffit pas) est plutôt criarde et impersonnelle. La preuve en est avec l’utilisation médiocre du principal pouvoir du Green Lantern qui peut matérialiser tout ce qui lui passe par la tête. Vu le potentiel d’une telle idée, il est désespérant de voir ce qui en est fait ici. Dernier point problématique, ce Green Lantern ne satisfait même pas d’un simple point de vue spectaculaire. Il ne se déroule rien ou presque de probant, si ce n’est préparer un climax dantesque (l’absorption de la Terre) qui va se trouver expédié en cinq minutes. Quand ni le cinéphile, ni l’amateur de comics, ni le mangeur de popcorn ne sont comblés, on peut bel et bien parler de ratage. Ce que l’échec commercial du film (au désespoir de la Warner en quête d’une nouvelle franchise juteuse avec la fin des Harry Potter) semble confirmer…