Domino – La Guerre silencieuse

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Regret d’une image

Lors d’une intervention d’apparence anodine, Christian assiste à la mort de son co-équipier. Se lançant dans une course poursuite avec le tueur, il réalise que ce meurtre est indirectement lié à une cellule terroriste implantée au Danemark.

Sur le papier, Domino avait tout pour devenir un grand film contemporain de Brian de Palma. Reprenant son obsession pour l’image numérique et sa capacité à multiplier les points de vue, ce sujet sensible qu’est le terrorisme semble en adéquation parfaite avec la vision du réalisateur sur notre époque régit par les images et leur influence. Et les scènes traitant du rapport à l’écran et notre impossibilité à nous y soustraire sont sans conteste les plus fascinantes du film. Tout part d’une vidéo d’exécution de Daesh, s’en suit un chantage numérique par un Guy Pearce tout en retenu, et évidemment une scène effroyable d’attentat filmée par les terroristes eux-mêmes. Cette pluralité confuse d’images chez De Palma servait auparavant à témoigner d’un crime, aujourd’hui elle a le rôle inverse, le viol que voulait cacher les militaires dans Redacted serait aujourd’hui exhibé au monde entier. Sur un tapis rouge, une jeune femme en robe de soirée, avance, une mitraillette à la main, une caméra fixée sur son arme. Elle tire à plusieurs  reprises dans la foule avant de se faire sauter en live sous le regard fier du commanditaire islamiste de l’attentat. Cette scène se suffit à justifier l’intérêt du film, la vision la plus cohérente du terrorisme moderne au cinéma, tout est vu clair et net, une image numérique avec une profondeur de champ infinie. A quelques autres reprises, Domino dévoile avec parcimonie des restes de virtuosité propre au réalisateur, l’on peut notamment remarquer ce sublime plan zénithal durant le premier tiers montrant Christian partir en patrouille en oubliant son arme, symbole d’un malheur à venir souligné par un lent travelling finissant sur le revolver envahissant l’image. Mais un montage complètement remanié par la production vient saboter toute possibilité de cohérence dans la mise en scène.

 

 

En effet, le film a été sujet à de nombreux déboires, des conflits entre De Palma et la production l’empêchant finalement de réaliser l’oeuvre qu’il désirait. Résultat, pour une durée dérisoire de 90 minutes, quasiment rien ne fonctionne. Que ce soit les motivations des personnages, la montée de la tension ou tout simplement le jeu d’acteur à la limite de l’embarras (hormis Guy Pearce mentionné plus haut), Domino est un film difforme, l’embryon de ce qu’il aurait du être, détruit par le conflit entre l’artistique et l’industriel. Il est toujours triste de voir un tel auteur adulé il y a 30 ans forcé d’aller en Europe pour être potentiellement produit, dénotant le respect avec lequel Hollywood traite les grands auteurs de l’histoire du cinéma. Si certains comme Scorsese ou Spielberg parviennent encore à faire face en recyclant éternellement les mêmes histoires, dès qu’un réalisateur fait preuve d’audace il est alors rejeté par l’industrie. C’est le cas de Coppola dont le dernier film remonte à 2012 ou Michael Mann qui doit encore lutter pour se faire produire.

Cependant, derrière ce produit monstre destiné à la vidéo, les intentions de De Palma semblent planer discrètement au-dessus du film, le rendant bien plus pertinent en tant que téléfilm de luxe qu’une majeure partie de la production hollywoodienne actuelle.

Titre original : Domino

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Durée : 89 mn


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