Après le surprenant Dans la peau de John Malkovich (1999), Spike Jonze revient sur les écrans avec Adaptation, un film raté qui se perd dans sa volonté de complexification de la structure narrative.
L’histoire est celle d’un scénariste, Charlie Kaufman, en manque d’inspiration. Il doit adapter un best seller écrit par une journaliste du New Yorker, relatant la vie trépidante de John Laroche, chasseur et trafiquant d’orchidées dans les Everglades. Mais problème : notre héros est victime du syndrome de la page blanche. Le roman est en fait très complexe, donnant l’impression de partir dans tous les sens sans dégager une ligne directrice ; ce qui rend le travail de réécriture pour le moins difficile. Arrive ensuite le frère du protagoniste, qui lui remporte un franc succès comme scénariste.
Il paraît évident que la structure du film est volontairement compliquée (et non « complexe », nuance d’importance) : il s’agissait de rendre compte de la difficulté, pour Charlie Kaufman, à adapter le fameux roman. Une mise en abîme grandeur nature, donc. La narration n’est pas vraiment déstructurée comme peut l’être celle de films de Lynch, Wong Kar Wai ou Innaritu, mais plutôt morcelée en une multitude de flash back qui, il faut l’avouer, finissent par lasser. Car d’une part, le principe finit par être redondant, et d’autre part, il demande un effort d’investissement que l’on n’est pas vraiment sûr de vouloir assumer. Alors certes, le début surprend, on se dit que l’on tient ici une œuvre originale et intrigante à défaut d’être vraiment plaisante et prenante. Mais on déchante très vite.
L’intrigue laisse vraiment dubitatif. Elle explore plusieurs pistes pour se perdre dans un enchevêtrement « nanaresque » de genres. On comprend bien que là aussi, il s’agit d’une métaphorisation du roman au cœur de l’intrigue, dont les caractéristiques rejaillissent sur le film en lui-même. Mais cela paraît si évident, le raccourci semble si facile, que l’on se demande si cette utilisation en « fil rouge métaphorique » du roman n’est pas une simple excuse pour explorer des pistes qui rassasieront le spectateur d’affects pour le moins ordinaires. En effet, histoire d’amour, mélodrame, thriller, tout y passe ou presque. Comme s’il fallait traiter de tout (et finalement de rien) pour que l’on en aie pour notre argent. Les intrigues (puisqu’il vaut mieux utiliser ce terme au pluriel) sont sommaires, jouant sur des codes vus et revus. Les transitions entre les différentes parties de l’histoire sont brusques, procédant de ruptures stylistiques et narratives qui auraient pu fonctionner… avec infiniment plus de finesse.
Cependant, certains instants restent convaincants. Les thèmes traités, que ce soit le difficile travail de création ou le rapport de fusion entre jumeaux, sont intéressants. Adaptation parvient même, à de (trop) rares instants, à révéler un surprenant pouvoir de fascination, succès auquel le formidable duo d’acteurs (Nicolas Cage et Meryl Streep) n’est probablement pas étranger. Mais l’ensemble est trop inconstant et irrégulier. De nombreux passages semblent naïfs, schématiques, inutiles et, comble du comble, prétentieux.
La structure tout en flash back était à ce titre intéressante, mais est gâchée par un incroyable sentiment d’arrogance, car on a bien l’impression, par moments et surtout après coup, que la structure du film, en revenant sans cesse « en arrière », pose la question de la cause « élémentaire », celle de l’existence des choses et des êtres. A bien y repenser, la séquence introductive, en ayant la volonté de résumer l’Evolution du chaos à aujourd’hui, en quelques minutes, se révèle d’une prétention sans borne.
Bref, Adaptation est un film déroutant, mais pas convaincant.