Xenia

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Une odyssée au pays des enfants perdus.

Présenté en sélection officielle dans la catégorie Un Certain Regard à Cannes, Xenia a tout l’air, au premier abord, du film « en résonance avec son époque ». Le film met en scène deux frères, dont l’un est homosexuel, abandonnés par leur père, et nés d’une mère albanaise décédée dans la Grèce d’Aube Dorée qui privilégie le droit du sang au droit du sol. Dit comme ça, ça peut faire peur. Toutes les cases du film à message ont été cochées certes, sauf que Xenia a été réalisé par l’auteur de L’Attaque de la moussaka géante (Pános H. Koútras, 1999) et que cette gravité apparente est en réalité dynamitée par des chansons italiennes, un lapin géant et une émission de télé-crochet.

Tout oppose Dany, seize ans, mèche blonde peroxydée, jean slim et sucette au coin d’un grand sourire, à son frère Odysseas, bientôt dix-huit ans, taciturne et pragmatique. Mais menacés par une possible expulsion, ils vont devoir s’épauler pour retrouver leur père, et la nationalité grecque qui va avec, dans une aventure qui va les mener d’Athènes jusqu’à Thessalonique. Xenia démontre que l’important n’est pas la destination, mais bien le voyage. Comme deux enfants qu’ils sont encore un peu, Ody et Dany décident de faire l’école buissonnière, une sortie de route hors des sentiers battus qui va leur permettre de se rapprocher et de découvrir que leurs univers ne sont pas si éloignés. Si l’imaginaire est initialement du côté de Dany et la réalité du côté d’Ody, Koutras brouille les cartes en jouant du mélange des genres quels qu’ils soient : Odysseas, l’hétérosexuel barbu, se déhanche volontiers en slip sur des airs de disco tandis que Dany tient tête à des homophobes jusqu’à en venir aux mains. Bientôt, au cours d’une scène librement inspirée de La Nuit du Chasseur (Charles Laughton, 1955), le réalisme et le merveilleux se confondront sans que l’on sache réellement où s’arrête l’un pour laisser la place à l’autre. Sous une lune trop lumineuse, de faux animaux observent les deux frères endormis dans une barque portée par le courant, tandis que le lapin en peluche de Dany leur adresse un dernier au revoir. Et quand ils eurent passé la rivière, l’amitié vint à leur rencontre.

 

Car Xenia n’est pas qu’un road movie, ce sont avant tout des moments de poésie portés par des personnages attachants. La mère, cause du voyage, n’apparaîtra jamais mais elle hante le film sous des formes parfois étonnantes. Elle est dans la voix de Patty Pravo, diva italienne des années 70 idolâtrée par Dany, et dans la tendresse de Tassos, sorte de cousin de Renato Baldi, gérant d’une boîte gay. Féminité exubérante, féminité contrefaite, pour dire l’absence d’une mère, fantasmée par le spectateur et par ses propres enfants. Cette figure, associée aux ritournelles populaires et à une esthétique kitsch, n’est pas sans rappeler l’Almodóvar des débuts qui magnifiait ainsi les destins les plus tristes. Comme chez Almodóvar, c’est parfois trop. Mais c’est ce trop qui fait toute la justesse et l’intérêt du film, même s’il se perd en fin de parcours, signe que le plus important réside bien dans ses personnages et non dans la simple résolution de l’intrigue.
Xenia ressemble aux chansons de Patty Pravo, des paroles tristes et naïves chantées sur un air entraînant qui donnent envie de danser et chanter à tue-tête sous les étoiles avant de pleurer sur ce qui n’est plus puis de repartir vers de nouvelles aventures.

Titre original : Xenia

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Durée : 128 mn


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