Une auberge à Tokyo (Tokyo no yado)

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Pesanteur du pas du père et de ses deux fils le long de ce chemin de terre sans fin apparente. Le cadre est cisaillé de fils électriques qui paraissent guider leur errance. Le père va tenter sa chance dans une nouvelle usine, les gosses l’attendent dehors mais il ressort dépité. L’espoir envolé, la route reprend. […]

Pesanteur du pas du père et de ses deux fils le long de ce chemin de terre sans fin apparente. Le cadre est cisaillé de fils électriques qui paraissent guider leur errance. Le père va tenter sa chance dans une nouvelle usine, les gosses l’attendent dehors mais il ressort dépité. L’espoir envolé, la route reprend.

Une auberge à Tokyo est un récit, entre conte moral et social, qui narre le quotidien de cette famille qui migre à Tokyo afin que le père puisse retrouver un travail. Les jours se répètent, les chemins se ressemblent, menant tous aux mêmes usines, aux mêmes refus. Le père et ses deux enfants sont condamnés à cette vie de dénuement où il faut souvent choisir entre manger et dormir au chaud, où les quelques sous que l’on glane proviennent de la capture de chiens errants pour lesquels la préfecture paye une récompense infime. Tout est ici dicté par l’impératif de survie et lorsque les enfants se perdent en rêveries, c’est pour s’imaginer servant du saké à leur père ou attablés autour d’un plat de riz. La faim les tiraille et l’espoir se tarit comme le laisse deviner l’attitude du père qui a de plus en plus de mal à croiser le regard de ses fils.

Par certains aspects, le film se rapproche bien avant l’heure de l’univers néoréaliste. Dans ce Japon qui s’industrialise, le contexte économique et social est déterminant. La dignité humaine et le bonheur se réduisent au fait de trouver un travail pour nourrir sa famille, réussir à la loger. Et pour ce faire, la voie du salut est unique, exclusive, c’est celle de ces longues routes enserrées de fils électriques qui alimentent les multiples usines dont elles sont jonchées. Un évènement va pourtant casser la monotonie de ce quotidien de souffrances. Alors qu’ils sont assis dans une auberge, une femme et sa fille, soumises aux mêmes errances, vont entrer dans le cadre tout comme dans leur vie.

Le père rencontre au hasard d’une rue une ancienne connaissance dont l’aide va radicalement changer la vie de la famille, ainsi que le ton du film. Celle-ci lui trouve un emploi et accepte de les loger pour un temps. Commence alors l’ère du bonheur, fugace par nature dans ces destinées miséreuses. Le temps se dilate, la lumière se ouate pour filmer le bonheur serein qui se lit sur leurs visages. On est ici résolument plus proche du réalisme poétique, l’ancrage social s’estompe, les visages baignent dans la lumière et le drame humain prend son envol.

Le cadre se décharge et se rapproche des protagonistes. Ils semblent enfin se mouvoir par le fait de leur propre volonté. La vie se bâtit dès lors selon leurs désirs, leurs envies et plus seulement sur la seule base de l’impératif de survie. Affranchis de la pauvreté, d’autres besoins se font jour comme celui de la vie de famille incarné par l’amour que semble nourrir le père pour cette femme qu’il a rencontrée au temps de la misère. Un drame va pourtant survenir et résolument ternir le tableau béat du bonheur familial.

Conte en trois actes dont la variété narrative et visuelle ne peut qu’étonner pour un film des années 30, Une auberge à Tokyo insère le drame humain dans la réalité socio-économique d’un Japon en pleine mutation.

Titre original : Tokyo no yado

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Durée : 80 mn


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