Un singe en hiver

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Verneuil aux commandes et Audiard qui mitraille de sa plume acerbe : ressortie de « Un singe en hiver » ou comment la jeunesse côtoie la lune le temps d’une douceur musicale.

C’est un grand-père, un baroudeur qui sévit rien que pour les yeux des petiots, des innocents et des amoureux de la vie. Face à lui, se tient, immobile, un jeune déluré, un habile courtisan des mots qui tente de caresser la sauvagerie de l’envie. Au milieu coule une petite rivière apaisante qui berce les dépravés de sa voix enfantine et de son aura juvénile. Un bougon nommé Gabin et un godelureaux répondant au doux nom de Belmondo dans une œuvre maudite, vieille, au noir et blanc crasseux et dont la « qualité française » fut combattue par les « jeunes turcs » de la Nouvelle vague. Un singe en hiver… titre poétique et roublard à la fois, dont l’auteur du livre (car ce sont des mots à l’origine), Antoine Blondin, a esquinté la morale bien-pensante d’un Paris bourgeois et redondant. Paru en 1959, Henri Verneuil (La Vache et le prisonnier, 1959 ; Le Président, 1961) en fera un film trois ans plus tard. Le public sera au rendez-vous tandis que la critique se fera un plaisir de remettre à sa place ce monument hussardien et légèrement anar de droite.

 

Dans les années 1950, il y eut la célèbre bataille qui opposa les critiques des Cahiers du cinéma (Godard, Truffaut, Rohmer, et cætera) aux « acteurs » qui collaboraient aux productions dites de « qualité française ». Dans cette vision du cinéma de studio, les joyeux lurons reprochaient à leurs aînés de ne pas se soucier du quotidien, d’avoir des relents anti-jeunes, et surtout de ne pas respecter à la lettre les livres qu’ils adaptaient par centaines au cinéma. Un singe en hiver est le film représentatif d’un manque à gagner évident de la part des producteurs de l’époque. Perte artistique, nous entendons. Adaptation sans aucune originalité, personnalité de Verneuil quasi absente du film, cabotinage éhonté de Gabin et de Belmondo et ambiance assez ambiguë qui rappelle quelques ouvrages céliniens assez caustiques.

Revoir Un singe en hiver, c’est se remémorer des après-midis poussiéreux où les chiens préféraient se pendre que d’aller courir après l’os du voisin. Souvent diffusé les dimanches pluvieux, ce film n’a pas toujours été tendre avec les jeunes pubères en mal de tout. Comment capter la sensibilité d’un Belmondo souhaitant récupérer la garde de sa fille ? Comment le fou d’images folkloriques et d’exotisme pourrait baiser les rêveries d’une ville côtière de France où la grisaille des jours de pluie affaiblirait l’élan amoureux ? Il n’y eut aucune réponse, sauf de contempler « de force » cette chronique anarchisante d’un temps de bouffon qui vieillirait comme vieillissent les lois anti-communistes.

 
     

 
 

Malgré cela, le film dégage une « odeur ». Quelque chose, un je-ne-sais-quoi qui sensibilise, qui intrigue, qui démystifie certains clichés durs comme le roc sur l’esprit gaulliste de cette période. Verneuil réussit, à sa manière, à dresser un tableau cocasse d’une population qui se fiche de tout, du premier venu, de la maladie d’Alzheimer et pire que cela, du pauvre larron qui tente de se frayer un chemin sur ce parcours socialement pauvre. Belmondo est l’une des clés de cette peinture au vitriol fournie par un Verneuil qui se transforme, le temps d’une centaine de minutes, en directeur commercial du cabotinage – il faut voir comme il dirige Gabin et Rocquevert, à la cool ! Les plus belles séquences sont majoritairement axées autour de la confrontation bucolique entre les deux lascars de la balle. Lorsqu’ils entament un pas de deux dans une rue déserte et plongée dans une lune apocalyptique, c’est toute la gaudriole de la droite populo qui se réveille et qui se matérialise devant nos yeux de pauvres habitants de l’an 2000.

Il faut voir ce film ne serait-ce que pour l’habileté de Belmondo qui, avec ses allures de « Bebel » avant l’heure, dépoussière l’étiquette « cinéma de papa » en lui donnant du courage et un brin de fantaisie, les dialogues de Michel Audiard étant certainement les véritables auteurs du film. Un singe en hiver, une œuvre de dialoguiste ? Oui !

Titre original : Un singe en hiver

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Durée : 105 mn


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