Tout commence avec une peinture – un pan de rue de Budapest dans la deuxième décennie du XX ème – dont les touches de couleurs changeantes la font migrer vers une densité crépusculaire, jusqu’à sombrer complètement dans la nuit. Arrangement efficace du faisceau noir qui s’étendra bientôt sur l’Empire austro-hongrois (à l’aune de la Première Guerre Mondiale), mais aussi sur tout le film, lequel profite du jeu des ombres pour répandre dans un feux obscurci sa source de mauvaise augure, et, du même coup, dissimuler à nos yeux l’héroïne – Iris (Juli Jakab), revenue à Budapest dans l’espoir de devenir chapelière dans la boutique autrefois tenue par ses parents. Mais un jeu servant d’avantage de cache à la vision trouble et indécise qu’a Iris de la réalité et dont les embrasures de porte, rideaux, ou flou généralisé, concordent à amplifier. Un procédé qui rappelle tristement Le Fils de Saul, où l’on voyait déambuler un corps malmené, collé de près par une caméra à l’épaule feignant de ne capter qu’un décor embué – fausse position de retrait face à l’irreprésentable (quelques échappements visuels douteux tandis qu’un travail sonore pointilleux venait souligner abjectement ce qu’on ne pouvait voir). L’objectif acharné à posséder un corps – acharné lui-même à retrouver quelqu’un – se recolle ici dans un procédé similaire – tellement similaire qu’il en est grotesque – Iris, les yeux vitreux, cherchant son frère jusqu’à l’ennui. Puis même dispositif de la caméra à l’épaule et du filtre jeté brouillant le décor.
Les glissements perpétuels entre zones d’ombres plus ou moins obscures et zones très lumineuses, se prennent pour signes d’une époque insaisissable : oscillation entre période prospère – densité culturelle, découvertes technologiques – et période trouble – montée de l’antisémitisme, pontes d’entités anarchiques – laquelle, époque trouble, est presque entièrement déléguée aux franchissements de seuils obscurs et lumineux, moults glissements qui sont sans aucun doute l’unique exercice pertinent du film, enquiquiné à poursuivre pêle-mêle Iris. De là, il faut que tout tienne. Comme si nous faire profiter un peu du décor (rues de l’époque en partie reconstituées), causerait du tord à la poursuite ondoyante. On manque si crûment de détails, que les beaux plans de chapeaux arrivent comme un cheveu sur la soupe. L’attente de voir n’a en rien à voir avec le désir – désir flamboyant qui s’incarne un peu dans les tissus de la chapellerie et, auquel, la violence antinomique du déclin de l’époque se serait frottée avec un contraste résolument plus tranchant si l’objectif s’y était plus attardé. L’envie d’y voir plus clair se joint plutôt à l’espérance de voir enfin le récit déboucher sur quelque chose. Mais, en y pensant, on serait sûrement déçus. Le flou cache sûrement un peu ce que la frénésie en jouant la tension tente d’absorber : un manque d’originalité de mise en scène, et des dialogues creux et redondants à en mourir.