Sermons de minuit

Article écrit par

Messe sanglante.

Après ses deux précédentes séries originales Netflix, The Haunting of Hill House et The Haunting of Bly Manor, Mike Flanagan est de retour avec une nouvelle série pour le géant du streaming : Sermons de minuit.

L’histoire est celle de Riley (Zach Gilford) qui, après sa sortie de prison, est de retour sur l’île américaine où il a grandi : Crockett Island. Parallèlement à ce retour, un mystérieux prêtre fait également son arrivée sur l’île, apportant avec lui mystères, secrets et miracles…

Cinéaste de genre parmi les plus intéressants de sa génération, Mike Flanagan n’a eu de cesse de s’amuser à retravailler les mythes horrifiques littéraires (de Shirley Jackson à Henry James) ou cinématographiques (du Haunting de Robert Wise au Shining de Stanley Kubrick) en en exaltant l’humanité et le sensible. Cette tristesse associée au bagage horrifique convoqué par le cinéaste lui permet d’atteindre un niveau de noirceur et d’émotion d’une rare intensité dans le cinéma de genre contemporain, si ce n’est dans le cinéma contemporain tout court. Sermons de minuit est alors la parfaite continuité de l’approche de l’horreur du réalisateur, à la précision près qu’il prolonge le geste d’apaisement qui était déjà à l’œuvre dans The Haunting of Bly Manor, et qui en faisait déjà une série moins démonstrative, moins baroque et plus touchante que The Haunting of Hill House. En effet, il est là encore question d’explorer les fantômes et démons d’un groupe de personnages, de leur rapport à la mort, aux autres et à eux-mêmes, mais la mise en scène se fait toujours plus discrète et l’horreur plus diffuse et progressive.

Le scénario de Flanagan et de ses coscénaristes laisse ainsi plus de place à ses personnages, à leurs enjeux et aux relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres. Cette mise en retrait, qui laisse place à une écoute toute particulière de cette galerie de protagonistes, permet à la série de fouiller derrière leurs apparents stéréotypes et de dessiner des personnages plus complexes et attachants que l’on pourrait croire au premier abord. Entre le héros monolithique brisé qui devient une figure tragique et désespérée, l’hystérique dévot qui, dans son fanatisme absolu, va embrasser toute sa noirceur et sa violence, ou encore l’insociable alcoolique et sa tentative de parcours vers le salut : les personnages de Sermons de minuit sont toujours le fruit d’un dynamitage constant des stéréotypes et de leurs systématismes, les rendant d’autant plus touchants et captivants à suivre. Cette accueillante empathie dégagée par la série va rendre sa lente progression vers l’horreur, au fil des épisodes, d’autant plus stimulante et terrifiante, jusqu’à aboutir à la frénétique déflagration finale.

En effet, alors que la série avance et que les révélations se succèdent, Sermons de minuit se dévoile en une relecture dépressive d’un des mythes les plus populaires du bestiaire de la littérature et du cinéma mondial. Et de la même façon que les séries Haunting retournaient à la source du mythe du fantôme en y exaltant l’aspect intime : la dernière création de Flanagan revient à l’os de la mythologie du monstre qu’il met en scène et y réinvente tout une réflexion autour de la foi et de la peur de la mort. C’est alors précisément parce qu’il a ménagé ses effets durant tout une partie de saison, patiemment installé ses personnages et intelligemment dissimulé l’identité et la mythologie de la créature qui guette les habitants de Crockett Island, que Flanagan peut se permettre de s’emballer dans deux derniers épisodes d’une tension et d’une force éruptive sidérante.

Ainsi, Mike Flanagan signe avec Sermons de minuit ce qui semble être sa plus belle série pour la plateforme au N rouge : une ballade dépressive et tragique sur la peur de l’au-delà et le monstre en laquelle elle peut nous transformer.

Titre original : Midnight mass

Réalisateur :

Acteurs : , , , , , ,

Année :

Genre : ,

Pays :

Durée : 7x60 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Trois films de Pietro Germi sur fond de terre brûlée sicilienne

Trois films de Pietro Germi sur fond de terre brûlée sicilienne

Pietro Germi figure un peu comme un outsider ou, en tous les cas, le mal aimé du cinéma italien de l’âge d’or. Et les occasions de réhabiliter son cinéma enclin à la dénonciation sociale jugé parfois moralisant et édifiant mais toujours captivant et divertissant ne sont pas légion. Le distributeur Tamasa vient de pourvoir à cette injustice en sortant trois films invisibles en versions remasterisées.

Je suis un fugitif

Je suis un fugitif

Dans ce film glauque au pessimisme foncier, quasi ignoré et pourtant précurseur, Alberto Cavalcanti exhibe un monde sans héros; uniquement peuplé de manipulateurs veules et sournois, de malfrats sans foi ni loi, de femmes fatales, de harpies, de mégères ou d’épaves à la dérive. Ce film noir s’inscrit dans la lignée des nombreux films spiv britanniques, un sous-genre qui fit florès dans l’immédiat après-guerre. Redécouverte…

Déserts

Déserts

Au Maroc, lorsque que vous ne remboursez pas vos dettes, vous risquez de voir débarquer deux agents de recouvrements en costume criard, bon marché mais toujours impeccable. Mehdi et Hamid, entre menace et arrangement, arrachent ainsi aux pauvres ce qu’ils ne peuvent cacher, travaillant à rendre le désert encore plus désert, jusqu’à se trouver eux-mêmes coincé par une histoire de vengeance qui n’est pas sans rappeler un scenario de western.