Petite fille

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L’envol du papillon sous le regard de Sébastien Lifshitz.

Aujourd’hui les questions du genre et de la sexualité sont au cœur de la société, et ce, en partie grâce à la libération de la parole. Cette libération apparue par le biais de divers événements politicomédiatiques (#metoo, #balancetonporc…) a notamment permis d’entraîner dans son élan la mise en avant des communautés LGBTQI+ jusque alors, peu médiatisées.

Après son film sur l’adolescence, récemment sorti en salles (2020), Sébastien Lifschitz nous propose une nouvelle fresque sur l’enfance. Petite fille raconte l’histoire de Sasha, fille prisonnière d’un corps de garçon. C’est comme ça qu’elle et sa mère définissent sa situation, mais nous apprendrons plus tard qu’il s’agit là d’une dysphorie de genre (un sentiment d’inadéquation entre son sexe assigné et son identité de genre). Nous nous déplaçons entre les discours – celui de la mère persuadée au départ qu’elle est à l’origine de la dysphorie de Sasha, puis la parole est donnée au père, à sa sœur et à son frère. On comprend vite que la famille est bienveillante et que l’enjeu principal sera de savoir si Sasha parviendra à être reconnue comme fille pour la rentrée prochaine, son école le lui refusant puisque sa carte d’identité indique « sexe masculin ». C’est donc un long combat dans lequel nous entraîne Sébastien Lifschitz.

Après une scène revisitée de Pretty Woman (1990) où Sasha essaye divers accessoires pour ses cheveux, c’est au médecin de famille de s’exprimer ; n’étant pas assez compétent sur le sujet il enverra Sasha voir une spécialiste à Paris. Ce même médecin tente par ailleurs de trouver des explications rationnelles à la situation, « c’était une grossesse désirée ? (…) », comme si la trans-identité de Sasha avait forcément une explication médicale ou logique. La docteure nous expliquera dans une scène fracassante par sa force, son innocence et sa grâce qu’il n’y a tout simplement pas d’explication : Sasha est née fille dans un corps de garçon. Dans ce film, nous sommes témoins ; cette caméra, qui est toujours à hauteur des yeux, nous montre ce qu’il faut, les contrechamps se font rares car ce sont les réactions de la famille qui importent. Les rencontres régulières avec la pédopsychiatre, elles, s’apparentent à un confessionnal, où tout est dit sans retenue donnant naissance à une véritable libération de la parole ; et des changements concrets vont s’y opérer. Ce dispositif épuré nous montre l’essentiel comme les timides échanges de regards, de mots et de silences.

Les silences de Sasha en disent d’ailleurs beaucoup sur le chagrin qu’elle porte en elle, celui de ne pouvoir être fille tout le temps, celui de ne pouvoir être fille qu’à la maison, et parfois dans la rue. Malgré tout, elle tente de se connecter à un univers plus féminin, la danse, à la manière de Billy Elliot. Ces cours de danse nous permettent de respirer – quelques pas de danse avant de repartir dans la lutte acharnée de la petite fille – pour finalement nous étouffer, nous couper l’air. Sasha y est peu à peu mise à mal, écartée, jusqu’à ce que sa professeure l’exclue manu militari de la salle. Avant le moment tant redouté de la rentrée, il y a les vacances et Sasha obtient pour son grand bonheur son premier maillot de bain deux pièces. Ellipse, nous sommes à la plage, la mère marche seule et Sasha, elle, court apaisée. Au parc d’attraction, les sensations fortes sont pour tout le monde. Dans ce film, ça n’est pas le chemin d’une transition que nous suivons mais bien la lutte d’une famille entière pour l’épanouissement de leur fille.

Le réalisateur dresse le portrait d’une famille française, avec de véritables enjeux contemporains. Une « super-maman » qui ne supporte pas de voir sa fille exclue, et qui par amour sacrifie tout pour elle. On note même une récurrence du motif du papillon dans la garde-robe de Sasha qui pourrait paraître anodine, mais Petite fille, c’est aussi ça : l’histoire d’une chenille dans sa chrysalide, prête à éclore.

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Durée : 85 mn


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