L’histoire est bien écrite. Dans une société sud-coréenne où riches et pauvres vivent à des antipodes, une famille embourbée dans le chômage trouve une stratégie pour se faire embaucher, un à un, par une autre famille des quartiers bourgeois. Alors que l’idée d’un film qui questionne nos modes de vie et nos disparités sociales a déjà été abordée – notamment dans le nippon Une affaire de famille, Palme d’Or 2018 à Cannes – le réalisateur Bong Joon Ho va plus loin en mêlant à un scénario remarquable, une mise en scène et une direction d’acteurs finement pensés.
Véritable descente aux enfers, sans que l’on s’y attende, Parasite nous prend aux tripes, nous surprend et donne la toute-puissance à des personnages très déterminés. Qu’ils soient riches ou pauvres, professeur, chauffeur ou chef d’entreprise, la force du réalisateur sud-coréen est de nous permettre une identification à chacun d’entre eux.
Dix ans après son excellent Mother, Bong Joon Ho revient en force dans son pays et dans sa langue d’origine, pour une intrigue coréenne que l’on se gardera bien de dévoiler ici. Dans une autre mesure, avec une idée en tête bien plus cruelle et impitoyable que pour ses précédents films Memories of Murder, The Host ou Snowpiercer, Bong Joon Ho amène ses acteurs à donner les meilleurs d’eux-mêmes, voire le pire. Pour sa quatrième collaboration avec son comédien favori, Song Kang Ho, on sent une profonde relation de confiance et le fruit d’un travail sur la durée entre les deux hommes. Jamais l’émotion n’a autant pris d’importance dans un film qui questionne nos rapports aux autres, aux choses et à nos valeurs.
C’est d’ailleurs la grande puissance de Parasite, qui a fait son succès à Cannes mais qui trouvera largement son public en salles. Même si le film est un thriller, tenant, surprenant, il reste en profondeur le regard d’un réalisateur engagé, qui évoque les inégalités sociales avec humour, émotion et suspense. Il l’explique d’ailleurs très bien, « Dans la société capitaliste d’aujourd’hui, il existe des rangs et des castes qui sont invisibles à l’œil nu. Nous les tenons éloignés de notre regard en considérant les hiérarchies de classes comme des vestiges du passé, alors qu’il y a encore aujourd’hui des frontières infranchissables entre les classes sociales. Je pense que ce film décrit ce qui arrive lorsque deux classes se frôlent dans cette société de plus en plus polarisée ». Parasite n’est pas seulement l’avis d’un cinéaste, c’est un film coup de poing qui nous parle à tous, peu importe notre origine, pays ou langue. Et cette universalité, ce regard d’un réalisateur fort de ses convictions, donne à ce cinéma toute sa beauté. Un cinéma de l’action qui ne dénonce pas mais tente de questionner et comprendre. Immanquable.