Milieu des années 80. Dans une petite ville de province près de Séoul, on découvre à quelques semaines d’intervalle les corps de deux femmes atrocement mutilées. La police locale est rapidement dépassée par les événements…
Memories of Murder, ou quand le cinéma coréen réinvente le polar moderne. Primé à Cognac, remarqué dans de nombreux festivals, le film de Bong Joon-Ho est considéré par beaucoup comme le meilleur polar sorti sur les écrans depuis un certain Seven de David Fincher. Inspiré d’une histoire vraie qui a secoué la Corée du Sud des années 80, le récit prend une tournure de conte, dès l’ouverture.
Tout commence par un plan séquence dans un champ. Un crime vient d’être commis, et il faut recréer la scène du meurtre. Cependant, la séquence est placée sous le signe de l’humour, avec un agent qui a bien du mal à se faire respecter. Par la suite, le film appuiera ce ton comique, puisque les méthodes employées par la police du coin semblent un tantinet extravagantes et inappropriées. Alors que l’on s’imagine assister à un polar sombre et crépusculaire, Bong Joon-Ho nous invite dans une comédie noire, au ton particulièrement audacieux.
L’histoire nous permet d’accéder à trois personnages, les protagonistes principaux de cette enquête impossible. Le détective Park Doo-Man, un agent bourru et sûr de lui, pensant pouvoir identifier un voyou en le dévisageant. Son collègue, le sergent Koo Hee-Bong, spécialiste de « l’aveu direct », amateur des manières « fortes, n’hésitant pas un instant à user de la violence. Et enfin le jeune et ténébreux détective Seo Tae-Yoon, venu de Séoul, animé par une croyance forcenée en la science, et surtout, adulant les méthodes américaines. Ces personnages sont jeunes, peu expérimentés, et se lancent dans l’aventure comme de jeunes adolescents…
Le film prend rapidement une allure plus dramatique, surfant même sur la vague du film fantastique. On pense à la scène de pluie, où un personnage court le long d’une route sombre. Séquence frappante, puisqu’elle vient rompre l’apparente tranquillité de l’instant. L’assassin, tapi dans l’ombre, à visage couvert, attend sa proie. On ne connaîtra jamais son visage, ni comment il a véritablement agi. Parce qu’il a toujours un temps d’avance, et parce que la police se montre incapable de dresser son portrait physique.
Le film devient ensuite de moins en moins limpide. La confusion du spectateur, mêlée à celle d’une police impuissante, l’empêche de connaître le vrai visage du tueur. Tout devient inquiétant, tout devient coupable. Une annonce radio paraît suspecte, ainsi qu’un « débile profond » regardant une photo, une absence d’alibi ou le silence d’un policier. Bong Joon-Ho scelle son histoire dans une sorte de conte sordide qui n’a pas de réelle fin, l’épilogue laissant une porte grande ouverte à de multiples interprétations…
Memories Of Murder est un titre assez énigmatique. L’ambiance figure plus l’impalpabilité d’un sentiment, d’une émotion. Un film qui, dans ses dernières minutes, devient d’une troublante complexité pour se clore sur une scène finale d’une beauté stupéfiante, à l’image d’une œuvre qui caractérisera à coup sûr un cinéma coréen audacieux et novateur.