Il s’agit d’un film sur la frustration, sur le manque d’amour et le huis clos se donne à voir dans trois lieux bien précis qui sont les pièces de la maison : celle de l’enfance avec les jouets et la grand-mère, le séjour avec la mère et son nouveau mari attaché l’un à l’autre comme dans une farce de commedia dell’arte et la cuisine où Marius va tout casser. L’extérieur est montré un moment par le balcon où, au début du film, le père aura une petite conversation métaphysique avec sa gamine alors que passe devant eux un cortège funèbre. L’extérieur ensuite invisible sera également montré de façon insistante et intrusive, bien qu’inutile, par la sonnette de l’appartement qui retentit presque comme une sirène d’alarme, alors que la police ne peut entrer. C’est enfin la délivrance : à la fin du film, blessé, harassé, le père se retrouve dans la rue, et demande, hagard, à une pharmacienne de panser ses plaies.
Sans avoir lu au préalable Anton Tchekhov, le jeune réalisateur connaît bien le ridicule des comportements humains. Il déclare, dans le dossier de presse, en avoir pris conscience après avoir réalisé ce film qui, comme un Feydeau, oscille sans cesse entre comique et tragédie. « L’état naturel de l’homme, a déclaré Tchékhov, est d’être ridicule. » Ici, ils le sont tous, sauf peut-être la petite fille et la grand-mère, un peu extérieures au conflit, qui ne donnent pas d’avis sentencieux sur la situation et ne font pas de compromissions lâches. Coécrit avec une romancière, Corina Sabau, Papa vient dimanche ne privilégie aucune situation. La tristesse et la frustration peuvent rendre fou un homme, mais tout aussi bien une femme, et c’est ce qui se passe ici dans cet appartement qui, pour un temps, ressemble un peu à celui d’une comédie à l’italienne.
Volontairement, Radu Jude a choisi un milieu bourgeois, et assez intellectuel, pour bien montrer justement que la vulgarité et la violence n’étaient pas le seul apanage de la classe ouvrière, comme certains auraient encore tendance à le penser en Roumanie. On rit beaucoup pendant plus des trois-quarts du film, ridicule oblige, mais peu à peu, on sent que nous avons plutôt affaire à un exorcisme et à une satire et les rires se taisent ou deviennent gênés. « Je voulais faire un film, déclare le réalisateur dans le dossier de presse, dans lequel les personnages parlent en permanence, dans lequel les mots ne servent pas qu’à faire avancer l’histoire, mais existent pour eux-mêmes en tant qu’objets cinématographiques. » Et on peut dire que c’est, au moins à ce niveau, une vraie réussite qui nous laisse, comme le personnage principal, KO debout.