Otages à Entebbe

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Le réalisateur brésilien José Padilha nous narre le retentissant détournement du vol d’Air France Tel-Aviv Paris en juillet 1976. Assez décevant.

Les faits relatés dans Otages à Entebbe ont été, d’une certaine manière, l’apothéose d’une époque. Nous sommes en 1976, l’Europe occidentale est alors secouée, depuis une dizaine d’années, par de nombreux attentats perpétrés par des groupes d’activistes d’ultragauche mais aussi, dans une moindre mesure, d’extrême droite, comme en Italie. Les Brigades rouges, en Italie, et la Fraction Armée rouge (FAR), en Allemagne, sont les principales entités qui manifestent alors violemment – enlèvements, attentats à l’explosif – l’idéal révolutionnaire. Parallèlement, des groupes pro-palestiniens agissent aussi en Europe – l’assassinat d’athlètes israéliens aux J.O de Munich en 1972 ayant été leur opération la plus marquante. Ainsi l’Europe occidentale, dans les années 70, baigne dans un climat de violence politique bien réel, sous-tendu par un clivage idéologique droite-gauche encore très marqué de la société (nous sommes encore en pleine guerre froide). Un climat et un activisme qu’instrumentalisera la Démocratie chrétienne (DC), le parti alors au pouvoir en Italie, avec la complicité de la CIA, pour faire peur et éloigner une éventuelle soit disante révolution. Ce sera la stratégie de la tension. La profusion de groupes clandestins donne aussi l’occasion à des groupuscules de diverses obédiences de collaborer. C’est ainsi que des membres de la FAR iront s’entraîner dans des camps de Fedayin au Yémen et que la lutte pro-palestinienne deviendra du même coup un des axes idéologiques des activistes allemands.
 

Histoire d’un détournement

Dans ce contexte, le détournement du vol AF 139 Tel-Aviv Paris le 27 juin 1976 par un commando formé par Wilfried Böse et Brigitte Kuhlmann, membres de la RAF, et deux Palestiniens, membres du FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine), apparaît avec un peu de recul comme une sorte de point d’orgue étant donné le retentissement qu’il a eu dans le monde entier, son dénouement extraordinaire, et par les nombreuses parties prenantes à la crise dont la principale fût Israël. Le cinéma s’est d’emblée emparé du sujet avec Victoire sur Entebbe (1976) avec Burt Lancaster et Elisabeth Taylor, ainsi que la télévision avec le téléfilm Raid sur Entebbe d’Irvin Kershner, toujours la même année, avec Charles Bronson en tête d’affiche. Le réalisateur brésilien José Padilha a donc choisi à son tour de raconter l’histoire de ce détournement qui, dans les faits, a duré une semaine. Toute la question est de savoir, étant donné la nombreuse littérature qui a déjà été publiée sur le sujet et les films qui l’ont traité, si Otages à Entebbe apporte des nouveautés sur ce que nous savons déjà et si la mise en scène de Padilha arrive à retranscrire la tension extrême qu’ont du vivre aussi bien les otages que les preneurs d’otages, mais aussi les responsables israéliens – la paire Shimon Peres et Yitzhak Rabin, déjà à l’époque – qui prirent la décision dangereuse de l’opération commando ?


Une mise en scène superficielle

Pour ce qui concerne le film en lui-même, sa mise en scène, il nous apparaît – n’était le sujet d’importance dans l’histoire de la lutte armée palestinienne et du même coup dans celle de Tsahal –, comme un film d’action relativement médiocre qui semble être passé à côté de la plaque de l’émotion et de la terreur qu’ont pu ressentir les acteurs du drame ainsi que des individus du public, simples spectateurs de l’événement. Sur le fond, les producteurs et le scénariste affirment avoir voulu s’intéresser aux différentes parties en présence. Par exemple, explorer la psychologie des preneurs d’otages, notamment des deux allemands. La tentative est louable mais il n’en ressort pas grand-chose si ce n’est que le doute semble s’être insinué chez Böse et Kuhlmann. Mais l’étude reste superficielle. Idi Amin Dada, personnage central de l’affaire, et « hôte », dans un aérogare désaffecté de l’aéroport d’Entebbe, situé à une trentaine de km de Kampala (Ouganda), des otages et des ravisseurs, est mal interprété. En tout cas, il n’inspire pas toute la crainte que pouvait susciter sa folie, ses changements d’humeur et son excentricité dans la réalité.

 

 
Il semble néanmoins que le réalisateur ait souhaité délivrer un message d’ordre politique, au delà de l’histoire en elle-même qu’il nous narre. C’est à travers la rivalité entre Yitzhak Rabin, alors Premier ministre de l’Etat hébreu, et son ministre de la Défense Shimon Peres, qu’il va s’y prendre. Peres est lui adepte de la force alors que Rabin est à l’inverse plutôt enclin à la négociation. Ce dernier se rangera finalement pour l’option de l’intervention des commandos mais il s’esquisse là, près de 20 ans avant la signature des accord d’Oslo, la volonté d’un homme, autrefois faucon, de choisir la voie de la négociation avec ses ennemis. Le message final du film, tout à son honneur, est d’appeler à parler à l’adversaire plutôt que de le combattre par la force. Gageons qu’alors aujourd’hui le processus de paix entre Palestiniens et Israéliens est complétement bloqué, ce message ne soit pas qu’un vœu pieux – un de plus

Titre original : Otages à Entebbe

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Durée : 107 mn


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