Nouvelle Vague

Article écrit par

Seul contre tous

Plonger dans le Paris des années 60 côté rive droite pour raviver ses fantômes et revivre le tournage du film emblème de la nouvelle vague, À Bout de Souffle : voilà le projet très séduisant que nous propose Richard Linklater avec son dernier film. Dans son dessein, Nouvelle Vague vise ainsi à rendre hommage à cette période et à la personnalité de Jean-Luc Godard qui a su, seul contre tous, imposer son style. Un personnage du cinéma haut en couleur qui, depuis le Redoutable (2017), tend à devenir un personnage de cinéma – que l’on retrouve comme une figure tourmentée et incomprise par ses pairs. En tant que personnage, Godard intrigue autant que sa manière de créer fascine. Mais contrairement à Hazanavicius, Linklater n’est pas ici dans le pastiche des expérimentations formelles du cinéaste, il vise plutôt à dévoiler son ébullition créative. 

Toutefois, si Nouvelle Vague ne reproduit pas les effets stylistiques d’À Bout de Souffle, il en reprend l’esthétique avec son format 4/3 ainsi que sa photographie granuleuse en noir et blanc, se faisant passer à son tour pour un film de la nouvelle vague. Or, lorsque Linklater reproduit cette époque avec les moyens techniques et financiers qui lui sont donnés (le producteur, Laurent Pétin ne manquera pas d’ailleurs de rappeler lors de l’avant-première les nombreux zéros du budget alloués au film), il instaure un décalage avec l’histoire même qu’il est en train de raconter : celle d’un film devenu mythique, tourné avec peu de moyens, en seulement 20 jours et sans scénario. Cette tension innerve le film et en devient l’un de ses moteurs. Elle se manifeste notamment dans la séquence où Zoey Deutch, incarnant Jean Seberg, demande à Jean-Paul Belmondo (joué par Aubry Dullin) si Godard aime les acteurs. À quoi celui-ci lui répond : « seulement s’ils n’interprètent pas ». On observe ainsi comment Linklater installe un jeu de double lecture, détournant les préceptes godardiens par l’ironie. Nouvelle Vague nous place sans cesse dans une posture contradictoire : d’un côté, le film dévoile les mécanismes de création propres à Godard, mais de l’autre, il les neutralise aussitôt en nous rappelant que nous assistons en réalité à leur inversion – celle d’une mise en scène, d’une reconstitution historique où deux acteurs imitent à l’identique des icônes de cinéma. Il en résulte alors de Nouvelle Vague une forme de malaise latent, exposant ses propres artifices et amenant à rire du personnage de Godard plutôt qu’à en comprendre l’essence de sa pensée. Par opposition avec son époque, Nouvelle Vague parvient tout de même à faire jaillir le flot d’une mélancolie (ou d’une amertume pour certains), celle d’un temps lointain où les circuits de production et de diffusion permettaient de faire émerger des propositions hors cadres, voire révolutionnaires.

Titre original : Nouvelle Vague

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Pays : ,

Durée : 106 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi