Sans en avoir la force ni le charme, le troisième long métrage de Julia Solomonoff, Nobody’s Watching, s’inspire peut-être un peu de Macadam Cowboy de John Schlesinger (1969). Mais en lisant le dossier de presse, on s’aperçoit que la réalisatrice, qui est aussi professeur de cinéma à New York qu’elle connaît donc bien, nous offre à la fois un portrait de la ville, mais surtout une réflexion sur le succès et le paradoxe du comédien. En effet, en mettant en scène Nico qui a quitté l’Argentine alors qu’il interprétait un homme dans le coma dans une telenovela, elle nous propose aussi un miroir sur le travail du comédien. Déjà dans le coma dans son pays d’origine, Nico à New York est devenu anonyme. Il fait des petits boulots pour survivre, notamment baby-sitter qui lui permet aussi de découvrir cette tendresse qu’il a en lui, mais à New York, il n’est plus rien. Même les caméras de surveillance du grand magasin où il a l’habitude de dérober quelques articles ne le voient pas car il n’est jamais inquiété. D’où le titre qu’on pourrait traduire par : « Personne ne regarde » et c’est en effet le cas pour lui. La seule personne qui le regarde vraiment, et non par le filtre d’une projection ou d’une idéalisation, est ce petit bébé qu’on voit grandir tout du long et qui regarde attentivement Nico comme pour l’apprivoiser et le rassurer.

Dans les yeux d’un bébé
« Après avoir vu New York dans les séries ou les fictions, déclare Julia Solomonoff, on a l’impression de connaître la ville mais elle ne nous connaît pas. C’est une invitation à se perdre dans ses rues car on sait qu’on pourra retrouver son chemin. Mais il y a une différence entre visiter New York et y vivre. C’est une ville beaucoup plus dure qu’il n’y paraît. C’est l’expérience amère que fait mon personnage. Il se confronte à cette illusion d’appartenance à une ville qui le rejette. » Et ce rejet est d’autant plus difficile à vivre pour lui car le Sud-Américain n’est pas habitué à vivre de façon aussi isolé, il a besoin de se sentir appartenir à une classe, ou tout du moins à un groupe social. C’est d’ailleurs ce qu’il réalise sans le savoir ni le vouloir vraiment avec le groupe de nounous qui promènent aussi « leurs » bébés dans le square qu’il a l’habitude de fréquenter et qui finissent par lui donner des conseils et le prendre en sympathie, après avoir dépassé la méfiance face à cet homme solitaire qui s’occupe (mal) d’un nourrisson.
