Murderock. Sortie Combo Blu-ray/DVD/Livre chez Artus Films

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Atmosphère musicale sombre pour ce Giallo suave et piquant signé par l’iconoclaste Fabio Fulci.

Après la Trilogie de la mort (L’enfer des zombies, L’au-delà, Frayeurs), Beatrice Cenci – Liens d’amour et de sang, Le miel du diable, Artus Films continue d’enrichir sa collection Lucio Fulci avec un titre qui méritait d’être enfin reconnu à sa juste valeur. Sous-évalué par le réalisateur* lui-même dans ses premiers commentaires : du niveau d’un bon téléfilm américain – formule empruntée à sa fille ainée. Jugement hâtif – qu’il contredira par la suite – d’un auteur très exigeant, déçu de ne pas avoir tout parfaitement maîtrisé durant le tournageen particulier le choix de Keith Emerson pour composer la B.O. Avec le recul, tout comme Fulci, on mesure à quel point Murderock est un film retors, ce qui en fait toute sa force. À commencer par son pitch qui semble cousue d’avance : au sein d’une école de danse New-Yorkaise, des candidates se  font  méticuleusement assassinées par un tueur muni d’une longue aiguille. Certes, car le genre  l’impose, le serial killer sadique se repait dans l’ombre tandis que  l’enquête policière patine et se double d’une investigation à titre privée, mais, ici, la tension ne provient ni des twists ni des scènes d’action. Comme chez De Palma dans  Pulsions (1980) et Blow-out (1981), nimbée dans une brume cotonneuse et onirique l’intrigue fait habilement du surplace pour passer en arrière-plan. Pour laisser au personnage principal, Candice Norman (Olga Karlatos), tout le temps de s’enfoncer inexorablement dans ses propres ténèbres. Jeux de miroirs, distorsions du regard, surcadrages, la mise en scène regorgent d’indices subliminaux susceptibles de nous révéler l’assassin. Une deuxième vision du film ou la lecture préalable de l’excellent livre de Lionel Grenier – inclus dans le combo – ne sera pas de trop pour en apprécier toutes les subtilités.

Comme son titre le sonne si bien, Murderrock fusionne deux univers : le polar – le Giallo plus précisément – et le musical. L’ouverture, une répétition de danse destinée à sélectionner les meilleures solistes – imite clairement celle d’ All That Jazz (Bob Fosse, 1980), plus tard, un solo endiablé et scintillant  nous renvoie à la sulfureuse prestation de Jennifer Beals dans Flashdance (Adrian Lyne, 1983). Loin d’être un simple effet de mode – les années quatre-vingt ont vu fleurir un certain nombre de productions clinquantes, surfant sur les vertus et dérives des compétitions au sein  du spectacle vivant –  l’esthétique Modern Jazz vient nourrir l’ambivalence érotico-horrifique – ingrédient indispensable dans tout bon Giallo. Aux plans serrés sur les formes sculpturales des danseuses, aux gouttes de sueur qui  rendent palpable le plaisir de pousser son corps au-delà des limites, répondent les cadrages tout aussi précis sur les délicats mouvements d’aiguille dans les poitrines tendues et humides des victimes. Lors des poursuites – réelles ou fantasmées -, le souffle des jeunes femmes se confond avec une pulsation musicale. Plus largement l’atmosphère de l’académie de danse contamine les rues New-Yorkaises, rarement photographiées aussi froides et bleutées.

Presque inévitablement, quand on aborde une œuvre de Lucio Fulci, les comparaisons avec Dario Argento ne manquent pas d’apparaitre. Eu égard à leur importance respective dans le cinéma d’épouvante transalpin et le Giallo.  Loin de là l’idée de se lancer ici  dans un exercice aussi périlleux et riche. Reconnaissons-le, et Murderrock en constitue un excellent exemple, que contrairement à Argento, dont l’humour et le détachement limitent souvent notre empathie avec les personnages, Fulci n’a pas perdu sa croyance au pouvoir des émotions – quitte à flirter avec le kitsch dans des situations improbables et crasses comme dans Les Quatre de l’apocalypse  son néo-western de 1975.  Murderock ne manque pas de sensibilité. Un supplément d’âme dans un film qui ne manque ni d’inspiration ni de souffle.

* Lionel Grenier, Disco Giallo, p. 9.

Artus Films met magnifiquement en valeur ses éditions. Le Combo Blu-ray/DVD/Livre consacré à Murderock (sortie début décembre) illustre toute la qualité de leur travail. Un livre d’excellente qualité (matériaux, illustrations, texte de Lionel Grenier) dans lequel sont solidement protégés DVD et BLu-ray. Un véritable bonheur pour un cinéphile.

Titre original : Murderock - uccide a passo di danza

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Durée : 90 mn


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