Master class John Malkovich au Forum des images

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Dimanche 8 février au Forum des images à Paris, John Malkovich est venu le temps d’une Master class répondre aux questions de Pascal Mérigeau, critique de l’Obs. Deux heures passionnantes et quelques pépites sur sa vie.

Le site du Forum des images annonce la master class complète depuis quelques jours et ce n’est pas faute d’observer une foule dans la salle 500 de ce joli lieu parisien dédié au cinéma. La star de ce soir est un acteur, un comédien, un réalisateur, un auteur aussi, connu pour son côté caméléon où, avec une grande facilité et un certain naturel, cet enfant de l’Illinois arrive à jouer tous les rôles. Du méchant au séducteur, du second rôle à l’interprête unique et multiple d’un long métrage, John Malkovich a secoué le 7ème Art avec son visage qui ne s’oublie pas, ses répliques une pointe théâtrales et son humour dont il joue encore ce soir, pendant cette rencontre. 

 


John Malkovich et la France

À l’entrée de la salle 500, des jeunes femmes distribuent des casques avec un boitier pour la traduction de la master class en français. Tout le monde s’installe, certains peinent à trouver une place et finalement, au bout de quelques minutes, la star américaine fait son entrée, Monsieur Malkovich himself entre aux côtés du critique de l’Obs Pascal Mérigeau. En toute décontraction, Johnny – comme il se nomme à plusieurs reprises – coiffe au poteau les traducteurs et use de son français presque parfait. Cette langue, il aime la pratiquer. Propriétaire d’une maison dans le Lubéron et de terres où il produit du vin, John Malkovich témoigne durant les deux heures de l’événement d’un attachement certain à notre pays. Très remarqué pour son rôle de Valmont dans Les Liaisons Dangereuses de Stephen Frears (1988), c’est à se demander s’il n’est pas devenu un peu français. 

Sans doute non, répondrait-il avec une petite blague à la clé. De la France, John Malkovich retient de belles choses mais il sait avec subtilité critiquer notre système, notre politique. À coup d’une anecdote sur une pièce de théâtre, Good Canary, qu’il a produit en 2008. Une trentaine de personnes ont travaillé pour lui dont les comédiens Vincent Elbaz et Cristiana Reali, il ne s’est pas attribué de salaire et il avait des frais de déplacements, de production. Mais il a quand même réussi à percevoir un cachet de 25 000 euros… pour que les impôts lui réclament 29 000 euros quelques semaines plus tard! Un système que John Malkovich a en travers de la gorge… 


Un homme politique

Les minutes à l’entendre parler passent, non sans rebondissements tant le John est bon rhéteur, c’est à se demander ce qu’il pense de la politique américaine. Pas vraiment plus de bien que la politique française! Il nous explique qu’il ne vote pas depuis 1972, depuis que Nixon a gagné. Et John Malkovich, toujours avec sa décontraction agréable, lance un petit "Laisse-moi trois secondes respirer le gouvernement". Traduction: la politique ne fait bel et bien pas partie de son quotidien, même si à l’écouter, on se demande pourquoi l’acteur ne ferait pas un peu de politique lui-même. Ses idées, il les expose clairement et distinctement suite à une perche tendue par Pascal Mérigeau concernant son point commun avec Clint Eastwood sur le libertarianisme, une philosophie politique qui consiste à effacer l’État vis-à-vis de son action sur l’individu. John Malkovich s’entend sur le sujet, "Quel pays allons-nous laisser à nos enfants si ça continue?", s’exclame-t-il. "Pour moi, les gouvernements, ce sont comme des syndicats criminels", ajoute-t-il. Pas d’État mais du cinéma. 

 


Des anecdotes sur les réalisateurs 

John Malkovich explique que pendant son adolescence, il était fan des stars hollywoodiennes. Ce soir, il n’est pas difficile de dire que la star, c’est lui. Le public est d’une écoute rare, sans un bruit, sans un soupir ou toussotement. Ses paroles sont absorbées comme un grand bain de cinéma où John raconte sans mâcher ses mots comment les grands réalisateurs avec qui il a tourné se comportaient sur un plateau. Clint Eastwood, Steven Spielberg, Woody Allen, Manoel de Oliveira, Raoul Ruiz, Spike Jonze, Stephen Frears, Bertolucci, ils sont nombreux à lui avoir demandé de rejoindre leur casting, toujours prestigieux.

L’anecdote la plus drôle revient à Manoel de Oliveira, sous le charme de l’acteur qui, un beau matin lui demande s’il serait d’accord de faire un film sur lui, qui porterait son nom, son visage, pourquoi pas en plusieurs exemplaires. Et Malkovich de répondre que… ça risque de ressembler à Dans la peau de John Malkovich, gros succès de Spike Jonze sorti en 1999. De Oliveira n’était pas au courant, cette information a fait de lui un réalisateur totalement déçu. Pour Clint Eastwood, rien à dire sur ses méthodes de travail. Le réalisateur part du principe qu’il faut bien choisir ses acteurs. Pour John Malkovich, cela entre dans le personnage humble et très gentil d’Eastwood, jamais un pas de travers lorsqu’il parle de travail. Un peu comme Bertolucci où, sur les tournages, John Malkovich raconte qu’il riait matin, midi et soir. Tout l’opposé de Woody Allen, réalisateur ultra sérieux qui aurait pris le rire comme un questionnement sans réponse. Son coup de coeur, c’est Raoul Ruiz, l’homme de toutes les interrogations. "Pourquoi le bouleau, l’arbre, perd ses écorces au mois de juin?", mime-t-il pour raconter le genre de questionnements de Ruiz… "Raoul Ruiz ne répondait jamais au questionnement direct, je m’amusais à lui dire fréquemment : ‘Est-ce que je suis dans le plan?’, ‘Est-ce que je suis dans le film?’, sans pour autant avoir de réponse", précise-t-il. Ils se sont amusés tous les deux, tout comme cette autre anecdote sur le tournage de Klimt en 2006. Raoul Ruiz ne voulait pas regarder une scène d’amour, de nudité. Il demande en toute décontraction à Malkovich qu’il tourne la scène pendant que ce dernier file au café. "Mais c’est toi qui l’a écrite pourtant?", lance l’acteur désarmorcé. "Oui, mais tu t’en occupes. À toute", conclut Raoul Ruiz en filant en coup de vent. Un aperçu des tournages de Malkovich dont on pourrait remplir un livre… 

 


Les Liaisons Dangereuses de Stephen Frears, avec Michelle Pfeiffer et John Malkovich

Le travail, la technique, deux essentiels pour Malkovich

Ce que l’on retient de cette master class très bien menée par Pascal Mérigeau (plutôt sous la forme d’une interview pleine d’anecdotes), c’est l’intérêt très poussé de John Malkovich pour la littérature, le texte, la préparation et la technique au moment du tournage. C’est un grand professionnel, fier de son métier et content de le faire encore aujourd’hui, à 61 ans. Pour lui, aussi connu au théâtre qu’au cinéma, les deux arts ne sont pas proches, "ils ne sont même pas cousins", ajoute-t-il. Sur Les Liaisons Dangereuses, John Malkovich parle d’une bagarre avec le cadreur au moment du visionnage des rushes le soir du tournage. "Il m’a dit, si ce n’est pas dans le cadre, ça n’existe pas", raconte-t-il de ce moment. "Mais pour moi, le plaisir de cinéma restait dans le travail technique". Si pour certaines personnes qui l’entouraient, la caméra ne devait pas tricher, pour Malkovich bien au contraire, "elle était là pour ça, tricher". Fin connaisseur des moindres techniques de cinéma, homme de théâtre et de lettres, de livres qu’il ne quitte jamais depuis qu’il est tout jeune, John Malkovich l’a prouvé une fois encore au Forum des images, sa culture et son expérience sur scène, devant la caméra et derrière la caméra font de lui un personnage essentiel du cinéma international. 

Le scoop, c’est l’annonce par l’acteur de son projet en cours en tant que réalisateur, un film tourné en France, sur deux ONG françaises qui se battent pour leurs convictions. Le film est apparemment adapté d’un roman français. Affaire à suivre, dans la peau de Malkovich ou tout simplement dans la peau d’un spectateur éternellement fan de son travail. 

 


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