Ma part du gâteau

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Deuxième film de femmes de ménage en quelques semaines (après « Les Femmes du sixième étage »), le dernier Klapisch est une oeuvre mal écrite et bassement populiste.

Cinéaste des petits riens de la vie quotidienne, de la chronique de quartier ou de la bande de potes, Klapisch affirme définitivement avec Ma part du gâteau une ambition en gestation depuis L’Auberge espagnole, celle de produire une grande fiction consensuelle résonnant avec l’air du temps. Presque un paradoxe pour le réalisateur de Riens du tout et de Chacun cherche son chat, qui se fait ici démagogue amateur. Fait de basses flatteries, s’appuyant sur une pseudo-conscience politique nourrie par une vision binaire et caricaturale, Ma part du gâteau ambitionne rien de moins qu’être un portrait de la France d’aujourd’hui. Un portrait engagé bien sûr.

L’air du temps, on le sait depuis Bienvenue chez les ch’tis, souffle du côté du Nord-Pas-de-Calais. Cette région sera devenue par le succès d’un seul film le terreau fantasmé d’une sorte de vérité fondamentale à retrouver dans le cœur des gens « simples » par le miracle des valeurs et des sentiments ordinaires. Une vision particulièrement hypocrite et condescendante. Le regard porté est ici plus complaisant que jamais. Le cinéaste choisit d’embrasser sans réserve le sort d’une ouvrière dunkerquoise nommée France (Karine Viard) qu’il traite pompeusement à la manière d’une allégorie. De cette mère célibataire qui se retrouve au chômage, Klapisch fait une véritable Marianne des temps modernes, incarnation d’une France qui souffre mais qui grogne et sait faire preuve de « caractère ». Presque une sainte bien de chez nous, une Jeanne d’Arc laissant venir à elle les gamins du quartier transformant ainsi le temps d’une scène ridicule sa maison en cour des miracles enfantine. Sa quête d’un nouvel emploi la conduit à Paris où elle devient femme de ménage chez un trader, Steve (Gilles Lelouche). Elle découvrira comme de bien entendu qu’il est responsable de la faillite de sa précédente entreprise et de la perte de son travail.

Dans ce choc des civilisations comme dans son idéalisme ch’ti, Klapisch en fait beaucoup trop. L’outrance affichée dans la caricature déréalise totalement ses personnages au profit d’une démonstration pleine de mauvaise foi qui tente de faire vibrer la fibre populiste. Les oppositions sur lesquelles il s’appuie finissent par agacer franchement, tant elles ne dépassent jamais le niveau d’une dialectique au ras des pâquerettes. Soi-disant justifiées par une vision politique qui distribue à l’avance les bonnes et les mauvaises places, les insuffisances dans l’écriture sont criantes et rendent le film très vite désagréable. A cela, il faut encore ajouter une pédagogie de comptoir qui dispense via un « art » de la métaphore lourdement appuyée des petites leçons de vie en veux-tu, en voilà : partager le gâteau (dès le premier plan du film), jeter des miettes de pain aussi aux canards les plus petits, même s’ils se font taper dessus par les autres… C’est dire si le film touche aux plus hautes sphères de l’analyse.

Mais le pire réside sans doute dans cette incroyable manière qu’a la mise en scène de forcer la décontraction, de faire comme si on y était alors qu’on n’y est pas du tout, bref de se mentir à elle-même sur le naturel des situations. En résulte une gène profonde qui persiste jusqu’à l’absence de résolution de la dernière scène, mêlant sans sourciller vengeance et lutte sociale avec une emphase assez malvenue. Indéfectible marque d’une oeuvre qui n’a rien de consistant à proposer et qui ne pouvait qu’échouer dans son ambition de faire corps avec une actualité sociale et politique. Encore aurait-il fallu pour cela avoir quelque chose à dire.
 

Titre original : Ma Part du gâteau

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Durée : 109 mn


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