L’homosexualité au cinéma

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Le Coin du Cinéphile passe à la loupe un siècle d’imagerie gay au cinéma

Le traitement de l’imagerie gay dans l’histoire du cinéma se conjugue à la vision de ce penchant dans la société, particulièrement dans le cinéma hollywoodien. Les excès des années 20 et le faste du cinéma muet laisse entrevoir figures androgynes et situations équivoques qui se prolongeront durant les premiers pas du parlant et de l’ère Pré-Code. Cependant l’application du Code Hays va rendre la figure gay plus masquée sans la faire disparaitre des écrans, que ce soit dans la caricature à travers des personnages précieux et efféminés, ou de manière plus subtile comme George Cukor (cinéaste hollywoodien gay) avec la Katherine Hepburn travestie de Sylvia Scarlett (1935).

On retrouve cette dualité à l’orée des années 40 et 50, où l’homosexualité est un désir maléfique (les adaptations de Tennessee Williams comme Soudain l’été dernier (1960) ou La Chatte sur un toit brûlant (1958)) alors que des cinéastes comme Vincente Minnelli (bisexuel également dans le privé) dans Thé et sympathie (1956) ou Nicolas Ray avec La Fureur de vivre (1954) en montre, sans expliciter la chose, un versant plus humaniste et en contrepoint des attitudes machistes en vigueur.

Les années 60 desserrent l’étau de la censure mais pas celui du jugement moral et voit ainsi des œuvres progressistes comme La Rumeur de William Wyler (1961) ou Victim de Basil Dearden (1961) évoquer explicitement la chose tout en réservant aux protagonistes gay une issue tragique. Tout ce qui suivra durant les décennies suivantes cherchera à installer la figure et l’imagerie gay dans la culture populaire et le paysage cinématographique. Cruising de William Friedkin va explorer des pratiques sexuelles à la marge, le méconnu Extravagances (1995) plonge des gros bras du cinéma d’action dans le monde des drag-queen. Ces avancées majeures sortent désormais les homosexuels d’une forme de niche cinématographique, cette ouverture sociétale les inscrivant dans des grands genres classiques, que ce soit le thriller sulfureux Basic Instinct de Paul Verhoeven (1992), le mélodrame Le Secret de Brokeback Mountain d’Ang Lee ou la comédie rétro Victor, Victoria de Blake Edwards (2008). Le cinéma peut même désormais être un terrain pour les gender studies comme le documentaire The Celulloid Closet (1995) et célébrer les icônes gays dans Harvey Milk de Gus Van Sant (2008).

Bonne lecture avant un prochain Coin du Cinéphile sur le traitement et l’imagerie de la dictature au cinéma.


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