Les Rois du monde

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Une preuve de plus que le ridicule ne tue pas.

Non, Les Rois du monde n’est pas un spin off de la comédie musicale Roméo et Juliette mais bien plutôt l’ultime volet d’un triptyque entamé au théâtre, composé de Casteljaloux (2010) et Casteljaloux II (2011) écrits par Laurent Laffargue, homme de scène et d’opéra, qui conclut donc sa trilogie au cinéma par un premier long métrage. Un baptême cinématographique en forme d’autofiction puisque dans Les Rois du monde l’apprenti réalisateur, natif du Lot et Garonne, parle d’événements et de gens qui lui sont proches ; des gens simples qu’il souhaite transformer en héros. Rien que ça.

A Casteljaloux, les hommes sont jaloux. Personne n’y a pensé au moment du redécoupage des régions mais, en effet, regrouper les gens et les régions par homonymie, c’est une idée comme une autre. Trois ans auparavant, Jeannot a tué un homme coupable d’avoir été l’espace de quelques minutes trop proche de sa Chantal qui, durant l’incarcération de son bad boyfriend, s’est mis en couple avec Jacky, le boucher du village. Désormais libre, Jeannot n’a de cesse de reconquérir Chantal parce que Chantal, c’est une artiste. Elle donne des cours de théâtre à des adolescents en leur demandant de faire le scélérat. Chantal, elle est rock’n’roll. Elle danse en sous-vêtements dans sa cuisine en fumant sa clope. Alors que du côté des hommes (même si le terme « mâles » serait plus adéquat), Jacky est massif et calme et Jeannot massif et possessif (d’ailleurs il ne veut même pas que Jacky dise « Chantal »), ce qui laisse présager un intense duel au soleil. Psychologie des personnages : ça c’est fait.

La Classe Américaine (Michel Hazanavicius, 1993) s’ouvrait par un carton d’avertissement « Attention, ce flim n’est pas un flim sur le cyclimse. Merci de votre compréhension ». A tout moment devant Les Rois du monde, nous attendons à voir passer la banderole défilante « Attention, ce film est un flim ». Car que dire ? C’est une question que l’on peut se poser quand une œuvre nous bouleverse, nous interroge, nous bascule ou nous sidère. Clairement, ce film appartient à cette dernière catégorie ; nous somme sidérés comme un professeur de géographie le serait devant la copie d’un élève qui aurait placé Paris au Groënland. Tout sonne faux, même l’accent d’Éric Cantona, même s’il faut bien avouer qu’il est difficile de s’en sortir avec des lignes de dialogue arrosées au 51, comme « Fini le Spar Chantal, on va être heureux ». Seule Céline Sallette parvient à sauver le film du naufrage total, et du ridicule qui heureusement ne tue pas. Du personnage de Romane Bohringer, on ne retiendra, par exemple, qu’une post hippie qui n’aime pas que son fils shoote dans ses poules et que Jeannot parle mal de Jésus.

Et si nous pouvons penser un instant que Les rois du monde n’est qu’un western confit de canard sur fond de pins parasols landais, nous nous mettons le doigt dans l’œil jusqu’au coude car le dossier de presse nous apprend que ce film est en réalité une tragédie grecque. Non, Jacky et Jeannot ne sont pas qu’un ex-taulard alcoolique et un tendre boucher, ce sont des héros antiques. Les nouveaux Hector et Achille (dixit le dossier de presse, la référence ne nous serait jamais venu à l’esprit). Autre erreur de notre part, les influences cinématographiques et esthétiques de Laurent Laffargue ne sont pas à chercher du côté des VHS de voyage scolaire dans le Sud-Ouest ou de Camping (Fabien Oteniente, 2006) mais bel et bien chez le Jeff Nichols de Mud (2013) ou le Derek Cianfrance de The place beyond the pines (2013). Les rois du monde est en règle générale plutôt gênant à regarder, jusqu’à son final grand guignolesque teinté de tradition taurine, et carrément à éviter.
 

Titre original : Les Rois du monde

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Durée : 100 mn


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