Les Larrieu : frères d´arme

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Déjà 5 films depuis 1999. Discrets et attachants, les deux frangins Larrieu, Jean-Marie & Arnaud, ont depuis longtemps gravi la montagne qui les a menés vers une belle maison confortable, le cinéma. Belle performance !

Tout d’abord un début. « Nous avons un grand-père originaire des Hautes-Pyrénées qui, autrefois, faisait du cinéma amateur. Des films de famille, de fiction, des films d’altitude tournés en 16mm. Il engageait des amis pour le jeu d’acteurs, réalisait des films de commande pour quelques stations de ski, mais ce n’était pas son véritable métier. Tout comme son fils, notre oncle, qui s’occupait de filmer des animaux pour des organismes animaliers. De ce fait, nous étions dans le circuit depuis notre enfance. C’est marrant à dire, mais les premiers films que nous ayons vus sont ceux de notre grand-père. Arrivent l’adolescence et le super-8, ensuite l’envie de faire du cinéma car cela regroupait tout ce que nous aimions : la photo, la musique, la montagne. Pour ce qui concerne les études, on s’est plutôt orienté vers la littérature ou la philosophie. Petite anecdote : nous avons raté le concours de la FEMIS. Sérieusement, notre itinéraire fut de garder l’esprit libre du cinéma amateur tout en nous intégrant socialement dans le cinéma professionnel. On avance lentement mais sûrement. »

Lorsque les Larrieu conversent avec vous, c’est tout un vent amical qui vient vous caresser la joue. Le temps reste suspendu et les mots deviennent extrêmement importants. L’écoute prend tout son sens et l’échange verbal crée une forme de richesse que l’on croyait perdue à jamais. Agréables, complexes, intrigants, ces deux alpinistes chevronnés, fous de pics et de tensions amoureuses, traversent le cinéma français depuis bientôt une décennie et toujours avec un calme olympien, gardant la tête haute et les pieds sur terre. Une sacrée dose d’humilité, il en faut pour savoir et pouvoir imposer ses visions saugrenues, naturalistes et sexuelles. De beaux titres jalonnent la filmographie des frangins, Fin d’été, La Brèche de Roland, Un homme un vrai, Peindre ou faire l’amour et maintenant Le Voyage au Pyrénées. Toujours des histoires qui mettent en scène des couples épatants, mystérieux et rocambolesques. Toujours cette soif d’aller voir ailleurs si l’herbe est encore plus verte que dans le cocon familial et c’est ce qui rend cette filmographie vertigineuse. Des cris, des pleurs, des larmes, de la vie, mais dans des chalets et non en plein centre du 16e arrondissement.

Lorsqu’ils réalisent en 1999 leur tout premier moyen-métrage, Fin d’été, les Larrieu viennent de se tirer d’une sale affaire de FEMIS ratée, de soirées bien arrosées et surtout de va-et-vient incessant entre l’air frais et la pollution parisienne. Au cours d’une projection, ils constatent que Mathieu Amalric se trouve dans la salle : « Lorsque nous avions sorti Fin d’été, nous sommes allés voir comment cela se passait dans la salle de cinéma. Je crois que c’est le guichetier qui nous a informés que Mathieu se trouvait dans la salle. "S’il trouve que le film est assez réussi, on l’attend au café en face" avons-nous dit à la personne. Quelques heures plus tard, nous étions en train de converser avec Mathieu ! A l’époque, nous étions en plein casting pour La Brèche de Roland, cela s’est fait rapidement. Il a accepté sans avoir lu une moindre ligne du scénario. C’est son côté amateur qui lui donne cette puissance de comédien. Il a un esprit complètement dingue et c’est un très bon comédien. En plus, il sortait du Despleschin, donc quarante pages de dialogues, cela ne lui fait plus peur depuis un certain temps. » . L’acteur va les aider, apporter sa petite crédibilité, sa touche de comédien faussement amateur et s’emparer de leur petit monde pour les surprendre à tel point qu’ils reviendront le voir pour lui proposer un rôle dans cette comédie trop méconnue et qui enfin leur apporta une reconnaissance professionnelle : Un homme, un vrai.

Peindre ou faire l'amourPeindre ou faire l’amour, subtil chant à l’échangisme, impossible de discerner la farce du sérieux. Ce film étrangement serein apporte une certaine mélancolie qui prend un virage assez radical dans la manière de présenter une thématique rare dans le paysage cinéma français, mais dont la saveur du propos, la mise en bouche et surtout la rigueur du cadrage apportent un équilibre qui permet aux deux frères de s’adonner à des séquences casse-gueule assez convaincantes (le cunnilingus effectué par Katerine sur Sabine Azéma). Dans leur dernière œuvre, Le Voyage dans les Pyrénées, c’est toujours autour d’un message assez fort, la nymphomanie, que les Larrieu concentrent la force de leur cinéma. Ne jamais sous-estimer une création artistique qui a des allures maladroites ou présente des courbes molles. Toute la richesse de cet art invisible se terre dans les dialogues ciselés au scalpel, dans la direction d’acteur chaude et effrayante et surtout dans ces traits de génie à poser des hommes et des femmes en plein milieu d’une nature sauvage. Point de réalisme, de naturalisme ou de tous ces adjectifs qui se termine par –isme, seulement un "je" simple qui souvent est suivi par "t’aime". Voilà le secret des Larrieu, ils sont perpétuellement amoureux.


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